Parfois, on ne devrait pas revoir les coups de coeur qu'on a eu étant gamin.

Belvision avait déjà fait une série en semi-animation à la fin des années 50, mais, bien que toujours sommaires, les premiers véritables dessins animés adaptés à l’écran par Belvision le furent au début des années 60. Malgré leur succès, ces huit adaptations télévisées sont, pour diverses raisons, particulièrement ratées. Le pire de ces portages est sans doute l’aventure lunaire, mais le plus célèbre est sans aucun doute cette Affaire Tournesol.


Déjà, il ne faut que quelques secondes pour le voir : Même si les progrès techniques depuis le premier épisode sont visibles, les décors et l’animation sont particulièrement sommaires. C’est excusable. Les musiques en revanche, c’est déjà plus critiquable. En comparaison, un soin tout particulier sera donné à celles des deux films qui sortiront quelques années plus tard. Mais (Spoilers m'enfin vous ne manquez pas grand chose...) allons-y sur l’histoire : Une nuit orageuse, le verre d’alcool du capitaine se casse dans sa main. Il en déduit tout de suite que c’est à cause de l’orage, on ne sait pas trop pourquoi.


Lorsque toutes ses vitres explosent, c’est déjà plus compréhensible. Mais deux types louches les espionnent dans le jardin, et on sent que quelque chose se trame. Le lendemain, tout s’éclaire : Tournesol (qui dans cette adaptation n’est pas sourd) a un engin à ultrason qui peut détruire beaucoup de choses. Les deux méchants dont je viens de parler tentent sans succès de l’enlever, mais il sait qu’un autre professeur serait capable de manœuvrer sa machine, le professeur Bretzel. Magnifique nom, n’est-ce pas ?


Ils l’appellent pour le prévenir, mais les méchants ont la bonne idée de le kidnapper alors qu’il est au téléphone au lieu d’attendre qu’il ait raccroché, histoire que l’interlocuteur au bout du fil puisse prévenir la police. Ils comptent peut-être sur la connerie de Tintin qui est à mille lieues d'avoir cette pensée : Avec le capitaine, il préfère prendre le premier avion pour la Syldavie, parcourant des centaines de kilomètres pour le secourir. Tout lecteur de l'album se rendra compte qu’on part totalement dans une autre direction. En tout cas, ils arrivent chez le professeur Bretzel, un imposteur a forcément eu tout le temps de prendre sa place. Après tout, pourquoi adapter correctement l’album alors qu’on peut simplement pomper Le Sceptre d’Ottokar hein ?


Tintin a des soupçons, arguant que « la voix au téléphone ne parlait pas ainsi » alors que le vrai professeur Bretzel avait le même doubleur qui faisait la même voix. C’est aussi à ce genre d’absence de souci du détail qu’on reconnaît la splendide médiocrité de ces adaptations. Le faux professeur enferme Tintin et Haddock dans une pièce et kidnappe Tournesol avec l’aide de ses hommes de main.


Les méchants foncent alors sur la route. Bien sûr, pourquoi être discrets alors qu’on a kidnappé quelqu’un ? Toutefois ils se débarrassent de la police. Tintin et Haddock veulent donc tout faire pour retrouver Tournesol, heureusement, comme de bien entendu, les Dupondt ont reçu l’ordre de résoudre l’affaire. Ils ont quand même un tuyau, ils soupçonnent des Bordures, la Bordurie et la Syldavie étant en guerre froide.


Ils retrouvent les kidnappeurs à l’ambassade Bordure qui embarquent Tournesol sur un bateau, ils les poursuivent en hélico mais une rafale de mitraillette plus tard, Tintin est touché, l’hélico se crashe, ils survivent mais sont capturés et emmenés en Bordurie pour être interrogés. Haddock et Milou sont faits prisonniers, Tintin emmené en ambulance sous la surveillance d’un méchant, mais il se réveille, en pleine forme. Il a été touché par balle, son hélicoptère s’est crashé, mais une petite heure de sommeil plus tard et il va parfaitement bien ! Assez pour foutre une rouste au méchant, sauter de l’ambulance en marche, et s’enfuir dans les montages en courant.


Il croise deux militaires qui lui demandent ses papiers et il leur sort une carte de… membre du club de Tintin (avec le portrait de lui et Milou comme sur la couverture des hebdomadaires), dont il est le numéro 19195… ouais... pourquoi pas ?


Poursuivi, il saute d’une falaise et atterrit dans une rivière. Il est recueilli par un vieil homme. On pompe un autre album : Comme dans Le lotus bleu il sait Tintin recherché, alors comme il n’aime pas le régime Bordure qui a causé des ennuis à sa famille, il le cache dans deux tonneaux de marchandise qu’il porte sur son dos. Il est bientôt pris en stop dans un camion. Ils arrivent à la capitale, Szohôd. Tintin saute alors du camion, et, quelle coïncidence, une demi-seconde chrono plus tard, il est repéré par deux soldats.


Autre coïncidence : Les Dupondt passent par là et le sauvent. Ils se cachent à l’opéra, la Castafiore les aide à échapper au machiavélique colonel Sponsz, si on excepte la présence des Dupont, on retrouve un peu l’album, ici. Ceux-ci et Tintin se déguisent avec des postiches et s’enfuient en voiture, un temps poursuivis par les soldats bordures. Je n’en ai pas encore parlé, mais les poursuites, surtout en voiture, sont nombreuses, longues et fastidieuses dans l’ensemble du film.


Ils arrivent à la prison où est retenu Tournesol, ils veulent le faire sortir grâce à un laissez-passer volé dans le manteau de Sponsz. Mais un Dupondt éternue, sa fausse barbe saute et ils sont poursuivis. Le plus beau délire du film arrive alors, les deux frères sont poursuivis et acculés par des soldats dans un couloir de la prison. Mais il y a un bouton qui permet d’ouvrir une immense trappe au sol, ce qui fait tomber les soldats. Je ne sais pas qui a pondu cette idée mais c'est fort, vous avez vu beaucoup de bâtiments avec ce genre d’installations ?


De son côté, Tintin est pris, il retrouve Haddock, le colonel leur explique qu’il veut se servir de l’engin de Tournesol comme d’une arme de destruction massive. Mais les Dupondt déguisés en soldat les délivrent. Tout ce beau monde se retranche dans un labo où se trouve le vrai professeur Bretzel, mais le colonel Sponsz leur donne alors un ultimatum : 10 secondes pour se rendre sinon il fait sauter la porte au canon ! Quel suspense !


Bon, heureusement il n’a pas appris à compter : Il compte de 1 à 6, puis au lieu d’aller à 7 repasse à 5. Les gentils ont tout le temps de passer par les 5 stades de la peur de mourir puis d’échafauder un plan pour sortir. Il arrive à huit et prend touuut son temps pour leur dire qu’il reste deux secondes pour sortir. Enfin, il arrive à 10, après 50 secondes montre en main. Mais ses hommes écervelés ont oublié de charger le bazooka donc on perd encore du temps. En gros, il leur aura fallu 90 secondes pour faire sauter la porte.


Grâce à un mini-engin à ultrason, les gentils parviennent à s’enfuir. Ils brisent des vitres, des poteaux, s’enfuient sur les toits, endommagent un hélicoptère bordure qu’ils forcent à se poser mais quittent la prison à bord du même appareil. Après une longue course poursuite où l’engin à ultrason détruit en masse les appareils bordures, (le tout entrecoupé par des gags moyens amenés par les Dupondt) ils passent la frontière en gros comme dans l’album, tout est bien qui finit bien.


Les voilà à Moulinsart où ils apprennent que le colonel Sponsz a été relevé de ses fonctions. Et contrairement à l’album où Tournesol l’homme d’habitude bon et généreux réalise comme son appareil est dangereux, ici, il pousse plus loin ses expériences. Mais surtout il est ravi car il a, je cite « découvert un explosif nouveau qui reléguera son engin à ultrason au rang de jouet ! ». Cette perspective d’explosif concurrent à la bombe atomique déclenche évidemment chez nos amis… un éclat de rire général, et on finit ainsi.


En bref, si l’âge de cette adaptation explique en partie ses défauts, elle n’excuse pas tout. Là où l’album est le bijou d’Hergé et ses collaborateurs, la version animée va dans tout les sens, les hasards un peu trop gros se multiplient, on copie diverses situations dans quelques albums, en moins d’une heure il doit y avoir 20 minutes de poursuites dans divers engins (je ne compte pas celles à pied) les gags ne sont pas terribles, graphiquement on croirait du sous Hannah Barbera, aucune musique ne reste en tête… Je dois admettre que je l'aimais étant enfant, mais aujourd'hui, même inconditionnel de Tintin, c’est vraiment difficile de lui trouver des points positifs. Me concernant, la nostalgie le sauve du naufrage : Il reste divertissant comme l'est un bon vieux nanar.

Régis_Moh
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le 1 juin 2015

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The Reg

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