Très curieusement, ce film de Philippe de Broca n’atteint pas pleinement ses objectifs. Entendons-nous bien : il n’est pas mauvais ce film, loin de là, mais disons qu’il ne parade pas non plus sur les sommets que le cinéaste a déjà plusieurs fois côtoyés auparavant.
Pourtant, sur le papier, tous les ingrédients cher à De Broca sont bel et bien là. Mais la magie n’opère pas. Exotisme, casting royal, alchimie détonante des personnages, le film avait tout ce qu’il fallait et l’ensemble ne parvient pas à produire le résultat escompté. Pourquoi? Je serais bien incapable de répondre avec sûreté.
J’avancerais toutefois une hypothèse : le rythme pas aussi échevelé qu’à l’habitude. En effet, Philippe de Broca a toujours plus ou moins su intégrer à ses comédies cette dimension de vitesse d’exécution, soit dans les dialogues, soit dans le montage et la succession des situations. L’Africain déroge à la sacro-sainte règle de la comédie et l’on peut dire sans se tromper qu’il n’est pas un film qui dévale la pente. Il n’y a pas cette folie, cette course de mots et de gestes, cette percussion dans le récit. Les personnages ne virevoltent plus, ne se téléscopent plus qu’avec modération. Le rythme n’est pas ébouriffant. Les dialogues manquent de puissance et d’accroche.
Les acteurs sont formidables, mais ne peuvent éviter de se heurter à ce manque de souffle originel. Le scénario a beau chercher à faire bouger les personnages, l'enchaînement des situations manque de dynamisme. Les enjeux ne sont pas suffisamment mis en valeur peut-être également.
C’est dommage car Catherine Deneuve est de toute beauté, charmeuse, maligne et fait preuve d’une force, d’une indépendance qui ne laisse pas le spectateur de marbre.
Face à elle, le grand Philippe Noiret parvient encore à jouer l’homme fort, tonitruant, prêt à déraciner les arbres à la force des bras et de sa colère. Leur collision n’est pas sans charme. Au loin, on devine leurs souvenirs communs, un film de Philippe de Broca déjà, La vie de château, où ils étaient tous si jeunes et pétulants. Seulement, le temps a passé et le côté piquant n’est plus de leur âge peut-être, oui, sans doute. Je songe aussi au merveilleux film Le sauvage de Rappeneau que je confonds parfois avec Philippe de Broca, sur certains films. Et Le sauvage avec Deneuve et Montand, est un chef d’oeuvre dont L’Africain reprend un peu la trame : un homme parti loin des emmerdes modernes voit débouler une femme qui n’en finit plus de le bousculer. La comparaison heurte L’Africain de plein fouet. Le sauvage est au-dessus à 100 coudées.
Malgré un très beau casting, où l’on retrouve un Jean-François Balmer un peu effacé et un Jean Benguigui magnifique de dégueulasserie et un bien curieux rôle d’anglais pour le grand Jacques François (tiens, en voilà une idée saugrenue!), malgré les superbes images africaines de Jean Penzer (la restauration récemment effectuée donne un résultat probant), malgré la très jolie musique de Georges Delerue qui enrobe le tout d’une parure fort plaisante, on finit le film un peu déçu. Certes, on est ravi d’avoir revu ces images, ces acteurs à l’oeuvre, mais déçu que tous ces ingrédients n’ait pas produit ce que la recette laissait espérer.
Souci d’enfant gâté? Je n’en suis pas sûr. Je crois réellement que le film s’est assoupi en cours de route, sans qu’il s’en rende compte, tout doucement, gentiment, sans faire de bruit...
Captures et trombi