Tiré d'un roman de Jack Higgins auquel il inflige de nombreuses coupes, L'Aigle s'est envolé est le dernier film tourné par John Sturges (Un homme est passé, Le dernier train de Gun Hill). Connu pour La Grande Évasion et Les Sept mercenaires, deux 'blockbusters' précoces des années 1960, Sturges est encore une fois à la tête d'un projet plein de ressources : casting de prestige (Michael Caine, Robert Duvall, Quayle), grosses artilleries (échos avec l'Histoire, débauche de mots, rebondissements ; de décors dans une moindre mesure), entertainment et esprit de sérieux sont au rendez-vous. Malheureusement ce film d'aventures est aussi foisonnant que négligé.
Les anglo-saxons s'y prêtent aux jeux des ennemis de la seconde guerre mondiale, en mélangeant les faits, les mythes et les fantasmes. Le film suit une opération commandée par Hitler (qui ne sera pas incarné) pour capturer Churchill (dont on verra la doublure pour le clap de fin). Donald Sutherland (qui rejouera l'espion au service des nazis dans L'arme à l’œil en 1981) interprète un membre de l'IRA en mission pour les allemands, dont les leaders et hauts fonctionnaires dissertent à plusieurs reprises. En plus de son postulat fantaisiste et bourrin, le film cherche à s'octroyer un petit cachet intellectuel, versant dans les grands mots ou les citations savantes (Jung et la synchronicité).
Cela donne un semblant d'uchronie se dérobant à toute profondeur pour préférer s'éparpiller allègrement, par paliers plutôt qu'en continu. Malgré des confrontations corsées, L'Aigle tient plutôt de la promenade au loufoque non digéré, baladant entre jardins, montagnes, moulins et variétés de QG d'autorités. Madame Grey a peut-être la « revanche » pour moteur et un gros traumatisme confié au détour d'une phrase, dans l'ensemble les motivations des personnages sont aussi confuses que les raisons politiques bâclées. De la mise en scène au scénario en passant par la définition de soi, L'Aigle souffre d'une direction évanescente (malgré une exécution efficiente). Tout le panache déployé tourne à vide, exulte lors de situations fortes ou insolites. Il manque un équilibre et du sens à ces outrances molles.
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