Une douche froide, de temps en temps, histoire de ne jamais rester trop confiant vis-à-vis de ses propres certitudes... Je m'étais construit un peu trop précocement une image de Kōhei Oguri, un réalisateur très discret ayant tourné seulement 6 films en plus de 40 ans (un peu le Terrence Malick japonais jusqu'aux années 2010, puisqu'à partir de "The Tree of Life" ce dernier a commencé à partir en cacahuète) sur la base d'une seule magnifique découverte, "La Rivière de boue". Il s'agirait de ne pas tomber dans le travers opposé, mais quand même c'est un visionnage qui s'est avéré éprouvant.
Un drame de couple montrant un homme et une femme (et accessoirement leurs deux enfants) comme prisonniers de leur foyer, pétrifiés devant la caméra, dans une maison plongée dans l'obscurité pendant une bonne partie que dure le film. On apprendra rapidement que suite à une liaison extra-conjugale du mari, la femme a vraisemblablement pété une durite et a sombré dans une grave crise psychologique. Un cadre qui donne l'occasion à ce versant du cinéma japonais, très porté sur les sentiments en excès, de donner beaucoup (trop) d'énergie à montrer le mariage en péril et les époux en déliquescence.
J'avais adoré le regard sur l'enfance de Kōhei Oguri dans "La Rivière de boue" mais l'exercice n'est pas prolongé sur le couple. La relation qui semble enchaîner les deux principaux personnages vire très vite à l'acharnement, elle au fond du seau et en détresse mentale aigue, lui rongé par les remords et à son chevet par punition auto-infligée. Les affrontements entre les deux prennent des formes très variés, parfois soumission, parfois grandes engueulades, sans pour autant que ce côté imprévisible ne soit agréable — la faute à une mise en scène un peu trop abstraite et distante à mon goût. Et puis gangrénée par des séquences qui ne m'emportent pas une seconde, comme le chantage à la pneumonie dans une chambre glacée en se déshabillant plus que l'autre. Cela alors que le cadre, les partis pris esthétiques, la pénombre de la maison, les environs avec le jardin, fournissait des arguments plutôt positifs.