Cirque gastronomique

Tous les ans sort le fameux guide rouge, celui qui, à l'aide d'étoiles et de commentaires parfois acerbes, vous indique les meilleurs restaurants ou vous recommande, pour le bien-être de votre estomac, lesquels éviter. Je parle, bien entendu, du célébrissime guide Duchemin ! (on se demande où les scénaristes vont trouver tout cela)
Voici donc Duchemin père (Louis DeFunès) qui visite incognito des restaurants, déguisé en vieille dame ou en Américain idiot. Il se fait servir comme un chien et doit engloutir des plats plus que douteux, certes, mais, une fois de retour dans son domaine, il a la joie de massacrer ses hôtes d'un repas dans des articles au vitriol.
Cette année est une grande année : Duchemin père s'apprête à céder l'affaire à Duchemin fils (Coluche), digne héritier...
... que la perspective n'enchante guère ! Car lui, son truc, c'est faire le clown. Au sens propre : tous les soirs, avec sa petite troupe (au sein de laquelle on reconnaît fugitivement Martin Lamotte), il fait rire les enfants en balançant un seau d'eau sur une victime innocente choisie dans le public (victime qui avait été, au préalable, rasée par un éléphant. Oui oui, je vous assure).
Duchemin, chantre de la grande gastronomie à la française, a jusqu'à présent un ennemi : les petits boui-bouis infâmes qui te servent leur gloubiboulga en prétendant faire office de restaurant. Cela donne d'ailleurs une scène franchement drôle. Mais un nouvel ennemi se profile à l'horizon : Tricatel, un industriel (incarné par l'excellent Julien Guiomar) qui rachète un par un (et en secret) les restaurants pour pouvoir y écouler ses produits "alimentaires" fabriqués dans ses usines.
Cet aspect "tradition française menacée par un modernisme impersonnel et odieux" a peut-être un arrière-goût un peu démago, mais ça donne des scènes savoureuses. En plus, ça se double d'un hommage très bien vu au cirque et aux saltimbanques. Et cela permet à Claude Zidi de signer un de ses rares bons films. De Funès n'en fait pas trop (ce qui est suffisamment rare pour être souligné) et Coluche parvient à être à) la fois drôle et touchant. Le scénario, avec sa double action (Duchemin contre Tricatel, et le conflit générationnel chez les Duchemin), ne réserve aucun temps mort et si les gags ne sont pas tous innovants, le rythme est rapide et c'est vraiment drôle.