Critique de The Alphabet par Zogarok
Un enfant vient au Monde mais ne sait pas y naître. Il découvre comme il est dur d’assimiler ses règles et combien cet impératif arrache à soi-même pour imposer une logique extérieure. Lynch exprime la violence du décryptage forcené de la réalité, censé être traduit par des œillères toxiques, malsaines, agressant l’intégrité de l’esprit et la pureté de la volonté originelle (l’explorateur se métamorphose en pion emmuré).
The Alphabet peut être perçu comme un film à charge au sens esthétique, dédaignant les méthodes d’apprentissages anti-intuitives consacrant les enfants et par extension les Hommes comme des récipients du Savoir, au lieu de les édifier en titillant leur nature. Lynch a chargé sa propre fille Peggy d’exprimer ces borborygmes de faible envergure face à la triomphante ritournelle structurée. Ces convulsions régressives exhibent un enfant résistant au sacrifice de sa conscience vierge et absolue à la pseudo-science vouée à lisser la condition humaine.
Le premier "véritable" métrage de Lynch (il dure 4 minutes) a été financé grâce à la vente de Six figures, dont il retient certains aspects graphiques, avec ses dessins retouchés, son inertie troublée par des formes crues (entrailles, sang, croquis grotesques) et ses fonds pastels macabres. S’y ajoutent des sonorités aberrantes et des digressions étranges où les lettres de l’alphabet se transforment en monstres bienveillants ; la peste ne contamine plus simplement le corps mais tout l’esprit, par une intrusion brutale et sentencieuse. Le corps se vide pour mieux céder.
Pour le spectateur contemporain, The Alphabet revêtira un côté Ju-On dans sa dernière moitié : on y voit un corps féminin, crispé et anémié assailli par des éléments absurdes et surnaturels.