Le parisien, il vaut mieux l'avoir en film

En voyant la bande annonce, j'ai eu peur. Il faut dire qu'elle donne une assez mauvaise image du film, qui a l'air d'être médiocrement mis en scène. Et pourtant, il n'en est rien. Bien au contraire.
"L'amour dure trois ans" s'impose comme une preuve supplémentaire du panache de Beigbeder d'une part, et du génie de Gaspard Proust de l'autre. Et inversement.
Ensemble, ils arrivent à décaper les standards de la comédie romantique en tournant les clichés du genre en dérision, avec un humour décalé irrésistiblement cynique.
Peinture pleine d'auto dérision d'une élite parisienne intellectuelle qui gravite dans les microcosmes littéraires les plus huppés de la capitale, le film montre la réalité du milieu en adoptant un ton caustique, parfois à la limite de la moquerie. Lorsqu'on sait que Beigbeder lui-même fait partie de ce cercle dont il dresse un portrait qui frise le ridicule, on admire le recul dont il fait preuve, mais on a également un profond respect envers sa grande lucidité, servie à l'écran par un Proust délicieusement désabusé.
La caricature du gratin littéraire parisien est délectable : monologues incompréhensibles de Finkielkraut, pauvreté stylistique de Marc Lévy, puanteur mercantile des éditeurs, tout y est.
De plus, le film, en dehors de son aspect comique indéniable, n'en demeure pas moins très intelligent. Citations des plus grands auteurs, références cinématographiques nourries, pensées philosophiques, mots d'esprits à tout va, cette comédie romantique hybride est simplement magnifique.
Savant mélange de second degré latent, de réflexion sur les aléas de l'amour, sur la vanité et la vacuité de l'être et de la célébrité, le premier long métrage de Beigbeder témoigne avec génie d'une époque dans laquelle il s'ancre profondément,en nous offrant au passage des idées de mise en scène originales, un rythme enlevé et des numéros d'acteurs au top. Des répliques et des situations à savourer sans modération. Mention spéciale à la scène du "pseudonyme", juste magique.