Les mauvais films, on en distingue deux catégories principales : ceux qui ennuient à mourir et ceux qui en deviennent drôles et donc bons d'une certaine façon. Les premiers sont plus communément appelés navets, les seconds nanars. Difficile de dresser des limites précises : pour certains un même film est un nanar pour d'autres c'est un navet. Pour moi, le navet se reconnaît par le fait que l'auteur ne va pas très loin dans ses idées, qu'il ne propose rien de délirant : c'est timide, parfois confus, peu intéressant (souvent il n'y a pas beaucoup de conflits). Le nanar, c'est le contraire : l'auteur va très loin dans son délire, délire que l'on ne peut pas toujours pleinement saisir, mais qui marque, 'parce qu'il fallait vraiment y penser'. C'est idiot et assumé comme tel (quoique, les auteurs pensent parfois faire des choses sérieuses), y a plein de conflits, des résolutions qui viennent parfois de nulle part, on ne s'ennuie pas une seconde car en plus c'est généreux. Et du coup, même si c'est mal réalisé et incohérent, on s'amuse. En tous cas, je m'amuse. Comment noter cela ? Chacun son système. Pour moi, le navet tournera autour du 1, 2 et 3 (3 quand il y a quand même quelques rares idées intéressantes) alors que le navet pourra commencer à 4 et aller jusqu'à 10. 4 quand il reste trop de passages ennuyants entre deux délires et 10 quand c'est ultra généreux. Ainsi, je n'ai pas peur de placer, par exemple, "Deadly Prey" aux côtés de classiques tels que "Brute Force" ou encore "Lost Highway" (j'ai mis 9/10 à tous ces films) : le délire est différent mais le plaisir est similaire et j'ai autant pris mon pied pour ces trois films. Après, j'explique dans mes critiques le pourquoi du comment et n'hésite pas à dire que tel film est bon parce que... il est mauvais.
Récemment, j'ai regardé quelques courts-métrages 'amateur' (terme censé excuser la médiocrité du travail) que je qualifierai volontiers de navet. Je ne cherche pas à les éviter parce qu'il y a un enseignement à en tirer (ce qu'il ne faut pas faire en tant qu'auteur ; mon histoire de goût) et puis simplement parce que j'aime le cinéma et que je ne vais pas rejeter les 'mauvais' films, surtout que je n'aime pas seulement me fier à mes a priori ou aux avis de autres : je veux me confronter aux œuvres directement afin de mesurer mon degré de satisfaction. Et c'est parfois en prenant ce genre de 'risque' qu'on peut se retrouver émerveillé. Parce qu'on n'est jamais à l'abris de découvrir une pépite. Même quand ça paraît perdu d'avance. C'est ça qui est bien avec le cinéma.


Ici, je ne suis pas tombé sur une pépite, n'empêche que ce petit nanar m'a bien fait rire. Le scénario est absurde : on ne comprend tout simplement pas l'idée principale émise par un twist très maladroit. Mais ne commençons pas par la fin : l'intrigue est mal ficelée. On nous donne l'impression d'avoir des conflits là où il n'y en a pas vraiment. Le suspense est construit sur l'ignorance du spectateur, pas évident de se prendre au jeu donc. Les personnages sont vides. Le twist, vient de nulle part. On part dans un délire de faux semblant sauf qu'il n'y a qu'une seule scène qui semble imaginée par le ptit copain un peu fou. Et ensuite? Ensuite on ne sait pas... La nana est censée s'être pris un coup de couteau dans le bide, on la retrouve dans l'obscurité en parfaite santé mais implorant qu'on la sorte de là. Est-elle enterrée vivante ? Le titre le suggère... mais le coup de couteau ? Un fantasme ? Tous nos repères sont brouillés. On ne comprend rien. Mais pas dans le bon sens. Parce que parfois, ne pas comprendre peut être une qualité, l'auteur se joue de nous. Ici, on a juste k'impression qu'il échoue à rendre compte de ses intentions. On ne comprend juste pas. Mais on se marre. Parce que c'est idiot de faire ça pour ça... parce que c'est pauvrement exploité. Parce que la scène de suspense a l'air bien plus importante que tout le reste. Ou bien est-ce la scène de sexe gratuite ? Parce que oui, en plein milieu du film, le héros, campé par le scénariste/réalisateur/producteur/monteur, se tape la belle blondasse du film. C'est affligeant. Mais c'est drôle. parce que justement, là on est dans un délire personnel qu'il est impossible de comprendre. Et l'auteur semble sûr de lui. Alors il en rajoute des caisses. Le suspense et le sexe, deux éléments bien délirants dans ce film qui en font un divertissement bien Z.


La mise en scène va dans le même sens. Le côté amateur que les novices brandissent chaque fois qu'ils se sentent menacés, cela se ressent dans la qualité médiocre de l'image. Mais le découpage aussi est assez bof. Scènes de vie mal rythmées et peu convaincantes. Scène de suspense exagérée. Scène de sexe qui n'en finit pas, notamment avec un jeu de main sur la vitre qui ne veut plus rien dire tant le réalisateur fait répéter le geste (c'en devient du fétichisme). Et puis il y a cet artifice de montage : le jumpfade ou plutôt jumpfondu qui correspond plus à l'aspect ringard de cette technique : au lieu d'avoir une coupe traditionnelle, le monteur (donc le réalisateur) décide de mettre un fondu entre deux plans, et ce afin de sauter dans le temps. Le résultat est étrange, alourdit l'intention du réalisateur. Et vu ce qu'il s'y passe, c'en devient d'autant plus drôle. Pour ce qui est du cut, en revanche, on a droit à des flashforwards de la nana enfermée (moi j'imagine que ça pourrait être l'enfer en fait, parce que bon, c'est elle qui a trompé le mec, donc c'est elle la vraie méchante de l'histoire) : c'est mis de façon pas discrète du tout et en même temps on pige pas trop. Et puis ça parasite carrément le déroulement de l'histoire. Un délire de montage incompréhensible ! Les acteurs sont mauvais : Erik Blanc sourit un peu trop, ne joue vraiment pas bien le type mystérieux. Faut dire qu'il n'a pas la carrure. On m'a déjà reproché d'être un connard quand je critique les acteurs de productions dites 'amateur' mais c'est pourtant un fait : mal caster son film, c'est le foutre dans la merde ! Pourquoi croyez-vous que les belles gueules réussissent dans certains rôles et les sales gueules dans les autres ? Vous auriez vu Philip Seymour Hoffman dans "War of the Worlds " de Spielberg à la place de Tom Cruise ? Je crois pas non ! Ben ici c'est pareil, le type n'est pas à sa place. C'est méchant à dire aussi, mais le fait qu'il sorte avec cette bimbo blondasse n'est pas crédible du tout. Autant ça peut arriver dans la réalité (là je suis d'accord), autant dans un film de ce genre, plus stéréotypé, ça ne passe pas. La musique est classique et envahissante, ce qui accentue certaines bizarrerie narratives et scéniques.


Bref, ce film m'a bien fait rire. Diantre qu'il est mauvais, qu'il est absurde. Mais il en devient bon, parce que l'auteur ne se prive d'aucun délire (j'ignore si c'était volontaire ou pas, je ne pense pas).

Fatpooper
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le 16 avr. 2017

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