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Michael Cimino nous livre, à travers la déchéance de son héros, une oeuvre magistrale sur l'effondrement d'un monde. Le décor de son film: "Chinatown" coeur de Mahnattan à feu et à sang est le décor choisi pour l'intrigue, afin de convoquer sur le sol américain; les fantômes du Vietnam et de la Corée, a travers les traumatismes et déchirements de son anti héros ; le capitaine Stanley White interprété par Mickey Rourke, montrant tout du long ;l'étendue de son talent dramatique d'acteur studio.

Ce personnage d'origine polonaise est construit dès le départ pour brouiller les cartes, et induire la subversion du récit. Très vite la complexité de l'identité américaine est mise à mal, et de façon générale, par extension, l'identité d'un homme et sa place dans le monde.

Il voue dès le départ de manière immédiate et viscérale assumée, une haine envers la communauté asiatique par des convictions héritée de son passé au Vietnam. Mais ce moteur de violence, haine mêlée d'une certaine amertume , est traitée d'une manière nuancée par Cimino, qui ne laisse jamais l'idéologie prendre le pas sur l'histoire. Tout vacille, titube à chaque instant, le doute et la paranoïa guide ce trajet quasi-mystique du héros , faisant écho a d'autres destins existentiels (Capitaine Willard/Martin Sheen ainsi que Colonel Kurtz/ Brando les deux militaires au destin croisé dans Apocalypse Now) . Ce Vietnam comme destructeur de l'individu devient alors une thématique du cinéma essentielle pour reconstruire le futur de l'homme américain.

Par cette alliance subtile du lieu (Chinatown) , de la psychologie individuelle de cet homme, et une narration plein de contrastes, Cimino opère ce que le cinéma en tant qu'art hybride peut faire à sa quintessence: c'est à dire sublimer et transfigurer la réalité.

L'histoire et le rythme du récit est conduite par celle de la psychologie de l'individu. La réalité de la guerre des gangs, par un prisme d'obsession agit alors comme un calque, le conflit intérieur qui ronge le personnage principal de vient une guerre dans une guerre.

Jamais autant l'intime et le système politique ne trouvent ici un entrelacement aussi bien amené et mis en scène. En se détruisant, il détruit aussi la femme qu'il aime, et qui finira par se faire assassiner devant lui.

La dramaturgie extrême de ce récit mêlée d'autant de moments de violence que de délicatesse et tendresse , est à la fois une fresque engagée de l'histoire américaine (une contre histoire), et un récit initiatique sur l'effondrement d'un homme broyé par la guerre et ses préjugés. Il reste tout de même attachant, et réceptif, malgré cette abnégation ressemblant à un rouleau compresseur, et cette âme dont on veut croire la bonté, laisse place à l'émergence d'une résilience , qu'on attend comme un suspense. On repense à Bronsky/De Niro la figure principale de Deer Hunter, dont le retour du Vietnam en Amérique, le transformait tel un fantôme de sa propre existence perdue à jamais dans un recoin de Saigon.

La thématique de l'impact psychologique d'une guerre aussi violente que celle du Vietnam, (et aussi celle de Corée autre fantome ) prouve le besoin de cinéma comme expression d'une catharsis sur la violence et la nécessité d'une réconciliation, si il en reste le fragment d'une possibilité, par l'amour ? Chinatown, représente alors un espace localisé en vase clos, terrain vague, invoquant les fantômes des guerres asiatiques américaines, mais aussi la définition même du préjugé, puisque jamais les états unis n'ont fait la guerre à la Chine.

L'amour en filigrane: deux histoires chaotiques ; l'une avec sa femme et le déchirement de leur couple face à ce qu'est devenu le personnage Imbu, par endroit odieux et égoïste, surtout obsstiné en tension, détruisant tout sur son passage. Il rencontre alors sur son chemin, à l'allure d'un destin qui se déroule, son amante la journaliste Chinoise magnétique de beauté. Rencontre presque rédemptrice, qui d'une certaine manière le réconciliera avec lui même. L'intimité de ces deux relations amoureuses noyées dans la torpeur d'un récit aux allures de thriller, signe la fin d'un règne et l'éclosion d'un autre proposant une des plus belles paraboles de l'histoire du cinéma.

Laissez vous porter par ce terrible voyage existentiel aussi beau que cruel, par moment hypnotique, de 128 minutes. Une version personnelle du "rêve américain".

TravisBickle75
8
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le 20 avr. 2023

Critique lue 16 fois

TravisBickle75

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