J'ai toujours pensé que la brillante carrière de John Carpenter a prit fin avec son brûlot anti-reaganien "They live" en 1989. Pas que les films suivants du moustachu soient véritablement mauvais mais je n'y ai jamais retrouvé cette puissance qui émanaient de ses plus grands films. Mais comme dans toute trajectoire balisée il y a une imperceptible déviation, John Carpenter allait livrer, entre deux commandes inoffensives, une de ses oeuvres les plus démentielles, les plus inclassables, comme s'il s'était momentanément souvenu qu'il était le plus grand.

Comme l'a souvent fait Stephen King au cours de ses récits, John Carpenter, à l'aide du scénariste Michael De Luca, s'interroge ici sur la création, sur la puissance de l'imaginaire et de la suggestion, sur ses retombées dans l'inconscient collectif, et sur sa récupération aussi bien commerciale que publique. Il nous plonge dans un labyrinthe fantasmagorique et tentaculaire, aussi fascinant qu'effrayant, nous entraîne dans des chemins de traverse où l'arrivée n'est autre que les portes de l'enfer, un passage vers un mal absolu tapi dans les tréfonds de l'âme humaine depuis que le monde est monde, attendant sagement son heure funeste.

Un récit arachnéen directement hérité de l'univers de Lovecraft auquel il est fait référence à de nombreuses reprises, notamment dans sa description d'un monde et d'une psyché se détériorant à petit feu, basculant insidieusement vers le chaos et la folie à l'état pure, ainsi que dans sa représentation d'une horreur malsaine et déviante basée avant tout sur une suggestion bien plus terrifiante que tous les effets gores du monde.

Créant une fois de plus une ambiance trouble, pesante et délétère avec trois fois rien, accompagné dans sa tâche par un casting royal (si Sam Neil est absolument prodigieux, on ne pourra pas faire l'impasse sur Julie Carmen, Jurgen Prochnow, Charlton Heston, David Warner ou encore John Glover) et les superbes créatures de KNB, John Carpenter touche au sublime et conclut sa trilogie de l'apocalypse avec force, nous laissant seuls dans le noir avec un profond malaise, celui d'avoir assisté à la fin de toute chose et de toute joie sur terre.

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le 7 déc. 2013

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Gand-Alf

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