John Trent, agent d'assurance et enquêteur sceptique et tatillon, est mandé par une célèbre maison d'édition pour remettre la main sur le mystérieux écrivain horrifique: Sutter Cane.
Voilà quelques semaines que le très "Kinguien" Cane est introuvable, ne pouvant ainsi assurer la promo mondiale de son dernier bouquin : "In the mouth of madness".
Trent grand spécialiste de la fraude aux assurances et cynique de première, ne croit pas une seconde à l'enlèvement du maître de l'horreur et compte bien arrondir sa fin de mois en démontant le vulgaire coup de pub, la tentative de buzz de Cane autour de son nouvel ouvrage.
Notre bon Cartésien en costard-cravate se retrouve donc associé à une collaboratrice de Cane pour mener l'enquête.
C'est en se plongeant dans les lectures "Lovecraftiennes" de Sutter Cane et dans des cauchemars de plus en plus étranges, ce genre de rêves flottants où la frontière avec la réalité se trouble dangereusement et te fait douter de ta propre existence, qu'un indice de taille va apparaître aux yeux médusés de Trent.
C'est une petite ville qui se dessine dans cette accumulation d'indices ésotériques. Une bourgade perdue, oubliée des hommes et des cartes routières: Hobbs End.
Un village figé dans l'instant, comme sorti de la lente marche du temps.
Un pont de bois comme unique passage vers cette autre dimension. Une petite ville calme, trop calme, lisse et propre comme un prospectus publicitaire.
C'est une jolie pension de famille avec sa mamie accueillante et bienveillante qui ligote et bâillonne son mari dans des délires sado-maso malsains.
C'est la jolie serre de l'établissement qui accueille en lieu et place de diverses plantes tropicales, le demi-frère de Cthulhu, saloperie dégoulinante coincé dans sa cage de verre.
Une ville inversée comme les croix qui trônent dans l'église du village.
Une église maudite, c'est là que Sutter Cane a décidé de renverser le monde, de déstructurer l'ordre des choses. C'est là que le diable a poser l'entrée de sa maison, sa putain de porte des enfers.
Carpenter met fin à sa trilogie de l'Apocalypse avec un sommet d'horreur paranoïaque.
Le scénario délicieusement pernicieux de Michael De Luca nous plonge dans une mise en abîmes horrifique dont le fil ténu entre réalité et cauchemar, entre normalité et monstruosité s'effondre lentement comme les restes de la santé mentale de Trent.
C'est un voyage au bout de la folie que Big John nous offre.
Une progressive et lente perte de repères, une folie venant doucement frapper aux carreaux et s'insinuant au tréfonds de ton âme.
La réalisation de Carpenter excelle, sans grands effets, dans ce glissement, par petites touches, vers le flou, le bizarre ( La scène du cycliste, sommet d'horreur d'un classicisme et d'une efficacité rare).
Cette légère torsion de la réalité qui craquelle le vernis trop lisse de la normalité; où l'écran géant de la folie occupe tout l'espace, t'empêchant de voir autre chose que Sutter Cane crachant ses bribes de réalité viciées et monstrueuses.
Tout le génie de Carpenter explose dans ce rythme soutenu et cette suggestivité finement ciselée jusqu'à ce final dantesque où ce bestiaire atroce (plus suggéré qu'exposé lui aussi) se déverse sur notre héros par cette porte dimensionnelle maudite.
Big John filme la folie comme il avait filmé la paranoïa dans "The Thing", comme l'annonce d'une fin du monde irrémédiable, comme le seul avenir possible.
On est englouti dans les eaux noires d'un pessimisme définitif, sans issue.
La folie est devenue réalité ? La réalité n'est qu'un immonde cauchemar dont on ne se réveille pas ? Qu'importe.
La trilogie de l'Apocalypse "Carpenterienne" est terminée.
"L'antre de la folie" vient clore dans la démence et la peur, les tableaux torturés de ce peintre génial qu'est John Carpenter; refermant ainsi les portes suintantes de ces trois visions de l' enfer comme l'on ferme ces étranges triptyques médiévaux : Avec respect et solennité.