Dans un style âpre, qui n’additionne pas les fioritures, Anthony Mann dresse là un western bien loin des carcans du genre, certes classique dans sa belle mise en forme mais terriblement efficace. Ici, le sable et l’aridité d’une certaine sécheresse visuelle se transforment en paysages montagneux, et transportent nos personnages dans une forêt presque vierge de toute violation humaine ou mécanique. Une sorte d’antre où la nature reprend son droit.


Quoi de mieux, dans un lieu aussi primitif dans son esthétisme, que de voir des hommes et femmes se battre à couteaux tirés pour l’acquisition d’une prime. Trois hommes que tout oppose vont tout faire pour ramener au bercail un hors-la-loi dont la tête a été mise à prix dans l’unique but de prendre l’argent et disparaître.


Porté par un James Stewart, fabuleux dans son rôle d’homme brisé par le destin et cabossé par la fatalité, L’Appât est un western, qui malgré ses moments de bravoures, prend son temps pour caractériser ses personnages et alimenter leurs velléités. Mais cette temporalité plus ou moins lente n’est pas retranscrite d’un point de vue visuel : L’appât ne joue pas la carte de la contemplation ni de l’introspection.


Avec sa mise en scène sèche et son montage sobre, ses couleurs aussi chatoyantes que rocailleuses, Anthony Mann voit alors ses personnages batailler et se manipuler pour empocher le butin. Au-delà d’un récit qui aime aussi s’amuser par son aspect parfois ricaneur, et qui est doté d’une photographie qui met parfaitement en exergue l’enclos environnemental (la grotte), le film est un beau portrait sur la nature humaine et les choix qui portent toujours à conséquences.


Dans cette forêt immense, où personne ou presque ne peut les entendre, il est beaucoup question de roublardises, de vengeance, de cupidité, de loyauté et de moralité. La justice dans L’Appât, elle n’existe pas. La seule justice qui prédomine, c’est celle qui est dans le cœur des hommes et celle que vous renvoie une nature aussi bienveillante que dangereuse. Dans ce huis clos à la tension palpable et aux enjeux simples, il est parfois difficile de s’attacher à des personnages aussi complexes que goguenards et qui représentent très peu d’empathie pour le spectateur au vue de l’animalité de leurs agissements.


Un hors la loi, un homme écarté de l’armée pour le viol d’une indienne, un vieux un peu imbécile heureux, un homme aigri qui tente le tout pour le tout pour de l’argent et une femme invisible mais agrippée à sa propre dignité. Ce « Club des 5 » ne va pas cesser de se jouer des tours pour arriver à leurs fins. L’Appât s’attarde aussi sur les codes du genre qui composent le western mais pas que. Le film d’Anthony Mann est plus que cela, plus qu’un western. Anthony Mann voyait dans le western, un genre cinématographique intemporel qui lui permettait de pimenter ses œuvres d’un questionnement sur l’humain. Comme ce personnage incarné par James Stewart qui est consommé par une certaine avidité et paranoïa, un besoin de revenir à un mode de vie prospère.


Et même de nos jours, le film n’a pas perdu de modernité quant à ses interrogations. Dans un film où les coups de feux se font rares mais tragiques, l’héroïsme n’a que très peu de visages. Grâce à une histoire claire et à une utilisation extraordinaire du paysage, Anthony Mann imprègne un scénario familier d’une complexité psychologique remarquable.


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Velvetman
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le 17 oct. 2017

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