Ahh l'armée des ombres, un Melville majeur que j'avais toujours esquivé je ne sais trop pourquoi et autant à chaque fois le Samouraï, le Cercle rouge ça avait été des claques, autant là je ressors peut-être un poil déçu. Alors qu'on ne s'y méprenne pas, c'est un bijou qui regorge de scènes extrêmement puissantes et la fin est juste parfaite et avec un sens du tragique indéniable.
L'ouverture du film, avec les allemands devant l'arc de triomphe fait réellement froid dans le dos et le ton est donné. (au passage la citation qui ouvre le film est très belle également)
Mais ce qui m'a tout de suite beaucoup plu, c'est l'arrivée de Ventura à la prison. On entend les pensées du directeur de la prison, qui est en train de se demander comment se la jouer avec Ventura et rien qu'avec ça, on sent déjà que l'on a face à soi une œuvre fascinante qui va être un peu plus ambigüe que d'autres films. Il s'agit là pour le directeur de la jouer finement, de ne pas maltraiter quelqu'un qui a de l'influence, mais de ne pas se laisser déborder par un type plein de caractère. En plus, quelle meilleure présentation pour le personnage de Ventura ?
Mais ce que j'ai adoré, c'est l'utilisation du silence. Déjà dans le Cercle rouge j'avais adoré cette longue séquence de casse sans bruit, sans musique... la tension montait follement et on trouvait déjà ça dans l'armée des ombres à plusieurs moments. Mais là où c'est le plus marqué reste la première évasion au début. On n'entend rien, tout le monde est silencieux si ce n'est un léger tic tac d'une montre... Melville nous montre les visages en gros plans... Vont-ils passer à l'action ? Comment ça va se passer ? Quand vont-ils le faire ?
Et en face on a cette figure effrayante du soldat allemand dont l'ombre du casque cache les yeux, le déshumanisant, mais le rendant aussi plus terrifiant.
Clairement Melville sait y faire. Mais ce qui me plaît c'est l'ambigüité de la résistance. S'ils combattent bien les nazis, on n'est pas encore dans un film comme Black Book, ils doivent également se salir les mains. Nous ne sommes pas dans un film qui idéalise ses protagonistes. Ils font des choses terribles et forcément la fin est terrible également.
Disons que ça m'a fait penser au Vent se lève de Loach que j'aime beaucoup aussi.
J'apprécie également que l'on ne soit pas face à des super héros, il leur arrive de réussir certaines actions, il leur arrive d'échouer... et d'échouer même lorsque ça importe beaucoup. Ce qui forcément rajoute une forte tension, car tout peut se produire. Et malheureusement à la fin le pire se produit.
Vraiment le final est déchirant...
Mais autant le film est une réussite, autant je ne peux m'empêcher de préférer l'univers du Samouraï ou du Cercle rouge dont le côté film noir du premier et film de braquage me parlent un peu plus. Enfin c'est du détail.