25 ans. Oui, 25 ans. C'est le temps qu'il a fallu à Jean-Pierre Melville avant de pouvoir réaliser son chef d'œuvre ultime. L'oeuvre qui lui tenait à cœur et sur lequel il n'avait pas le droit à l'erreur.
25 années passées à expérimenter son style et sa technique avec la réalisation de polars comme "Le Samouraï", "Le Doulos" ou "Le Deuxième souffle" par exemple. Mais celle qui restera longtemps dans les mémoires, c'est cette adaptation grandiose du roman de Joseph Kessel, un sociétaire de l'Académie Française.
Le cinéaste va enfin oser parler de ce qu'il y a de plus intime en lui, en abordant une période douloureuse et délicate de l'histoire de France, qu'il a lui-même mal vécu dans ses jeunes années. Cette période est celle de l'Occupation Allemande durant laquelle une Résistance Française s'est organisée dans la clandestinité la plus totale.
Inspiré de faits réels, le film nous épargne les détails historiques qui pourrait parasiter le véritable intérêt de l'oeuvre. Ce sont les histoires d'hommes et de femmes, que rien ne semblent rassembler au premier abord, mais qui s'unifient autour d'une cause importante : la nécessité d'agir. Pas question de militantisme politique, seulement d'engagement et de courage. Au quotidien, ces personnes risquent leurs vies pour des exploits minuscules. Chaque petite victoire est le résultat d'efforts titanesques.
A aucun moment vous assisterez à une glorification héroïque des personnages. L'auteur n'a aucunement l'intention d'embellir la sombre réalité. Les Résistants ne sont ni des anges, ni des surhommes. Ils nous sont seulement montrés comme des êtres tout à fait ordinaires, mais plongés dans l'exceptionnel. Melville scrute la banalité tragique de leurs actes. Il prend le soin de nous montrer les bassesses et cruautés auxquelles sont réduites ces Hommes.
La crainte omniprésente de la délation les poussent à mettre en place des méthodes d'une inéductable lacheté qui ne semblent pas si éloigner de celles employées par la Mafia notamment les éxécutions sommaires.
Dans cette situation extrême, les défauts de la nature humaine se retrouvent exacerbés. D'abord guidé par des intérêts collectifs, ceux-ci explosent au profit des intérêts individuels.
D'une noirceur mélancolique, l’esthétique se veut d'avantage suggestive plutôt que démonstrative.
Intelligemment construit et brillement mis en scène, ce film s'impose comme un incontournable du cinéma français.
Des inconnus.
Des silences.
Des regards.
C'est l'Armée des Ombres.
Un grand film !