Une œuvre d'une profondeur inouïe

Loin, très loin des grands blockbuster habituels, ce petit film d'auteur nous livre une vision des plus singulière du cinéma. D'un réalisme saisissant, le spectateur est propulsé directement au cœur de l'action, sans aucune forme d'introduction. Auguste et Louis Lumière façonnent ainsi une oeuvre avec une absence totale de musique, de sons parasites, susceptible de gâcher l’atmosphère si importante aux yeux des réalisateurs. Les costumes et les décors sont d'une rare précision. On ne peut qu'admirer le travail de recherche pour coller au mieux à l'époque décrite qui est monstrueux. L'utilisation volontaire du noir et blanc apporte un aspect artistique, une image léchée, et nous donne un point de vue neuf face à ce quai bouillonnant et grouillant de monde. Le souci du détail est poussé à son paroxysme en filmant la totalité du film avec une caméra en bois et une pellicule 35 mm à la place des traditionnelles caméras numérique.

L'histoire repose sur un arc narratif à la fois osé et surprenant où un train, une simple locomotive devient l’élément principal du propos. Elle occupe une place primordiale dans l'histoire comme à l'écran, SPOILER comment ne pas frissonner en voyant cette gigantesque mécanique d'acier transpercer l'écran ? On ressent la fumée crachante, les bielles rutilantes de cette machine. Les frères Lumières nous offrent l'espace de quelques instant la possibilité d’embarquer avec eux à bord de ce train. Nous sommes immergés dans cette foule, parmi les passants à attendre ce train dont la destination nous est inconnue. Cette invitation onirique à prendre son ticket "pour nul part" est l'essence même du film, sa profonde philosophie.

Très largement influencé par de nombreux films, on peut, en y regardant bien, trouver des références évidentes aussi riches que pertinente. En effet, en laissant le choix au spectateur de s’imaginer la fin du film, est un clin d’œil plus qu'évident à la filmographie de Christopher Nolan. On ne saura jamais si, comme une certaine toupie, oui ou non le train repart ou s’arrête définitivement. Des airs de David Lynch sont également présent. C'est pour cette raison que l'on sait que le film est bon mais que l'on est totalement incapable de dire si on l'a véritablement compris ou pas.
On se plait à imaginer la vie à bord de ce train, ses passagers, sa destination. Doit il traverser la banquise pour aller jusqu'au pôle Nord ? Abrite t'il la dernière poche d’être humain encore présent sur cette planète ? ou bien est il infesté de zombie fonçant à tout allure vers la ville de Busan ? Aux dernières nouvelles, en demandant au conducteur, un certain docteur Emmett Brown, il aurait la propriété incroyable de voyager dans le temps.

L'Arrivée du train en gare de La Ciotat, malgré une première partie qui traîne un peu en longueur et un scénario des plus déroutant nous offre néanmoins une odyssée vers les portes du cinéma. (Mais ça reste franchement chiant pour un film du samedi soir on va pas se le cacher).