Tout, dans Election, annonce le plaisir coupable et le voyage dans le temps. Le logo MTV qui ouvre le générique, le décor du High School américain, et l’irruption de Mathew Broderick, héros d’une ère qui semblait révolue.
Les personnages sont des archétypes et l’assument. L’Amérique suinte par tous les pores du film, success story où l’on est toujours l’élu de quelqu’un : le prof de l’année, le sportif, l’élue du cœur, la super déléguée.
Dans ce monde ultra codé, on attend forcément le décalage. Du trash, de l’ironie, du cynisme. Ils adviendront, mais non sans avoir bousculé les attentes.
L’esthétique pop prolonge la norme du teen movie : les arrêts sur image, les jeux avec la temporalité, le recours à la voix off ou l’usage parodique (bonjour Ennio ou le bruit insupportable du vinyle qui s’interrompt quand la situation dérape, écho d’Ally McBeal) de la musique achèvent de nous conforter dans notre canapé : nous sommes devant Giga avec Sauvés par le Gong, Parker Lewis, ou dans une reprise de Ferris Bueller.
Seulement voilà. C’est du Payne. D’accord, il a peut-être fait des concessions en début de carrière, mais on est forcément tentés d’aller gratter un peu.
Et puis Bueller est passé du côté obscur : c’est désormais un prof.
Et nous sommes en 1999.
Le château de carte monte savamment, par accumulation. De voix off, une jolie idée pour pénétrer les subjectivités et les différents égos en compétition. De situations de crise potentielle. D’intrigues secondaires, qui une fois encore semblent davantage lorgner du côté de la série que du long métrage : les trahisons, le sexe adolescent ou du démon de midi, la fraude et les piqures d’abeille.
Un château de carte, ça s’écroule. C’est bref, c’est beau, c’est cathartique.
La réussite d’Election, c’est de préférer, à la belle démolition, une inconfortable ruine.
Une à une, les cartes se cornent. L’édifice plie, mais ne rompt pas.
Personne n’est épargné, et qu’on fustige l’ambition écrasante, la bêtise, la cruauté ou l’infidélité, qu’on convie homosexualité, handicap, politique, attirance pour les nymphettes, chacun trouve sa faille.
Le souci, c’est l’absence de réel châtiment. On perd, mais dans un film consacré au processus électoral, la défaite nourrit de son fiel – ou de sa médiocrité - la campagne suivante.
Le charme est là : dans cet univers construit sur les slogans, les badges, les affiches et les yearbooks, la glorification des individus et le règne du personal achievement, les béances morales ont certes été montrées, mais pour mieux révéler comment on s’en accommode.

Difficile de résister à l’idée d’élargir cette élection locale à sa dimension nationale. Dans le Land of opportunities, tout est bon à prendre. Qu’on le dise avec les couleurs éclatantes de la pop ne change pas l’acidité du message : le monde occidental est une ruine qui tient debout, parce que si sa structure morale et pourrie, sa façade, elle, est immaculée.
Sergent_Pepper
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le 18 sept. 2014

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Sergent_Pepper

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