"L’as des as" est un film typique des années 80, à la fois frais et léger, comme savait si bien les faire Gérard Oury. Les puristes diront que tout a été exagéré à outrance, du jeu de notre Bébel national aux situations toutes plus rocambolesques les unes que les autres. C’est vrai : tout est exagéré, et pourtant "L’as des as" fait partie de ces films qu’on ne se lasse pas de voir et revoir, surtout quand on a des acteurs qu’on aime bien et que la musique colle bien à l’ambiance. Parce que ça fait du bien de voir de temps en temps des longs métrages qui ne se prennent pas au sérieux, sans qu’on ait à réfléchir, ainsi que se plaisent à offrir les œuvres tournées seulement et uniquement vers le divertissement pur et dur.
Le spectateur est d’ailleurs rapidement mis dans le bain avec la scène d’ouverture sur un combat aérien qui va tourner à du grand n’importe quoi. Mais les idées sont tellement loufoques qu’on pardonne tout de suite ces incohérences, aussi énormes soient-elles ! Ainsi le ton est donné, aussi on appréciera une mémorable leçon de grammaire française suivie de baffes monumentales distribuées par un Belmondo des grands jours dans un rôle à sa mesure (celui d’un ancien boxeur), si monumentales qu’elles en font voler les dentiers et voler en éclat les éléments du décor.
L’histoire de ce petit enfant juif rencontré lors de son déplacement à Berlin pour les jeux olympiques de 1936 forme un excellent prétexte au show que va nous servir Belmondo tout au long du film, avec des courses-poursuites et des moments tendres : tour à tour suffisant, crâneur, séducteur, bagarreur, aventurier, mais doué malgré tout d’une conscience et d’un grand cœur devant ce petit gamin au destin incertain, accessoirement fan des boxeurs que Jo Cavalier entraîne. Il faut dire que le jeu de Rachid Ferrache rend immanquablement ce jeune garçon attachant de façon irrésistible, en étant parvenu à se mettre à la hauteur de son mentor après avoir bien assimilé la philosophie de ce film : une comédie caricaturale, voire satirique dans laquelle aucun des personnages n'est épargné. Autant dire que c’était une sorte de terrain de jeu pour lui.
En fait, Belmondo passe bien à l’écran avec tout le monde. Frank Hoffman et Marie-France Pisier offrent une belle opposition de style, mais offrent chacun leur tour des apparitions savoureuses quand ils sont associés à l’écran avec Belmondo. Ainsi on retiendra les retrouvailles retentissantes entre les deux vétérans de guerre, ou les confrontations directes entre la journaliste et l’entraîneur. Pour un peu, on sent qu’il n’en aurait pas fallu beaucoup plus pour que Frank Hoffmann lâche vraiment la bride, si on se réfère à la scène où il doit se résoudre à s’embarquer la sœur du Führer.
Tiens, en parlant de la sœur du Führer (mention spéciale au passage à Günter Meisner pour avoir interprété avec brio deux personnages très différents l’un de l’autre malgré leur ressemblance physique hérités de liens parentaux très proches), elle apporte un petit plus de loufoque en plus qui vaut son pesant de cacahuètes. Ben oui, quitte à partir dans une comédie destinée à faire rire, autant le faire jusqu’au bout ! Dommage que parfois cela aille un peu trop loin pour tomber dans le too much (scène du dentier).
"L’as des as" n’est effectivement pas le meilleur Gérard Oury, mais ce n’est pas le plus mauvais non plus. La reconstitution des années 30 semble correcte, que ce soit au niveau des costumes ou des véhicules (sauf les motos… de seulement 1960), dont cette splendide Mercedes 540K blanche (présentée pour la première fois au salon de l’automobile parisien de 1936), ici déclinée en version limousine avec un châssis long. Bon, je calme tout de suite les amateurs de belles carrosseries : ce ne serait qu’une réplique grossière, mais ça n’empêche qu’elle en jette ! Tant et si bien qu’elle fait parfaitement illusion, tout comme le film d'une façon générale.
Tout fonctionne malgré la présence de quelques anachronismes, comme par exemple le marquage au sol de couleur blanche… alors qu’à l’époque il était jaune. Et tant pis si on aperçoit la caténaire au démarrage du train, alors que l’électrification des lignes de chemin de fer étaient encore loin d’être à l’ordre du jour… Tout cela n’a guère d’importance, on ne commence à les remarquer qu’à force de voir et revoir "L’as des as", en s’attachant aux plus menus détails.
On s’en fout, "L’as des as" reste malgré tout une valeur sûre du divertissement familial.