Le film commence dans le silence et puis la voix de Pierre Arditi (revu en français pour une fois), monocorde et pourtant expressive nous parle de Jesse.
Sur l'écran, Brad, brun, beau, ténébreux, sexy et manifestement malade regarde le vide dans un rocking chair. L'image est flou sur les bords, comme regardée à travers un vieil objectif photo.
La voix nous donne les caractéristiques Jesse, comment on pouvait le reconnaitre et nous dit qu'il va mourir.
Tout tourne autour de l'instant de la mort de Jesse. On sait déjà qui et on sait quand mais on ne sait pas pourquoi.
Avec lenteur mais sureté (à mon avis on aurait pu gagner 20 min sur la première partie pour dynamiser un peu le tout), le réalisateur nous dévoile Jesse James. La forme concentrique de la narration tend à raconter la légende et pourtant la réalité ou plutôt vraisemblance est omniprésente.
L'image est complètement désaturée, donnant l'air de phtisiques à tous les personnages, les vieillissant prématurément aussi. Ils sont aussi usés que leurs chaussures, et ça se voit. Cet image terne et froide amplifie cette impression de réalisme qui s'oppose aux couleurs flamboyantes des westerns d'antan et qui n'avait pas ou peu à voir avec les événements qu'ils racontaient.
Il est clair que Jesse n'est pas un Robin des bois moderne, un héros comme il est trop /très souvent dépeint en fiction. C'est un être ignoble et meurtrier qui, sur la fin de sa vie, tombait dans la folie et le savait.
Brad Pitt passe du visage d'ange à celui d'un psychopathe si facilement si rapidement qu'on se demande quand la transformation pleine caméra s'est opérée, prouvant ainsi, si besoin est, qu'il est un très bon acteur. Un instant il est charmant et souriant, l'instant d'après son regard a changé, son sourire s'est crispé et il fait peur.
Casey Affleck (alors en pleine ascension et encore en odeur de sainteté) crève l'écran en pauvre minable amoureux de Jesse : il l'aime, il le déteste, il veut être Jesse, il veut être lui-même, il veut le respect et l'admiration. Pour lui, Jesse est, je cite, le saint esprit; une telle fixation ne peut mener qu'au meurtre car la réalité n'est pas au niveau de la légende.
Toujours la même dualité.
Le film joue toujours sur la dualité : légende/réalité, Jesse gentil/Jesse méchant, Jesse/Bob, Bob/son frère. Ils vont toujours par 2, comme s'il n'était pas possible de voir les choses clairement sans voir les deux côtés d'une même histoire.
La dualité va jusqu'à l'identification totale à Jesse, non pas par Bob qui est devenu lui même en tuant l'image sacré, l'icône, mais par son frère, Charley (formidable Sam Rockwell) qui l'interprète dans la pièce qu'il jouent pour se faire de l'argent, s'identifiant au point qu'il deviendra presque Jesse (à en mourir).
La fin de vie de Robert Ford est plus qu'intéressante mais la tragique conclusion c'est que Jesse James est resté dans les mémoires et que lui a disparu. Des photos du corps de Jesse ont été vendues mais personne n'en avait rien à cirer de Robert Ford. Toujours la dualité entre mythe et réalité et c'est définitivement le mythe qui gagne!
Quand le film arrive à sa conclusion, on a entendu un conte raconté à mi voix autour du feu. C'est pourtant la réalité (autant qu'on peut savoir ce qu'il s'est réellement passé) que l'on a vu. La réalité est souvent plus fascinante que la légende.
Une distribution impeccable, une mise en scène maîtrisée (le point noir, c'est peut être un peu trop de lenteur mais les presque 3 heures passent très bien), un scénario qui tiens la route.
Vraiment très bon et intéressant!