MMmmm...!
Voilà typiquement le genre de film qui a exaspéré ou exaspèrera un certain nombre d'entre vous.
Il contient en effet pas mal d'éléments qui rendent une majorité de spectateurs allergiques: rythme lent et contemplatif, narration régulière en voix-off, plans floutés et esthétiques, musique emphatique, acteurs à la belle gueule "banckable".
Et puis il y autre chose qui énerve presque toujours: non seulement on sait la fin dès le début, mais en plus Ç'EST ÉCRIT DANS LE TITRE !
Bref, le passif est plutôt chargé, et donc peu de chances de tomber en émoi devant un tel objet.
Sauf que... Sauf que... Tout ce qui a été avancé plus haut a été réalisé avec un tel talent, une telle maîtrise, un tel goût que l'ensemble en devient magique et envoûtant.
Avant ce film, Andrew Dominik, néo-zélandais de 43 ans, n'avait réalisé que "Chopper" (2000) que je me dois d'avouer n'avoir jamais vu.
C'est donc en deuxième oeuvre, 7 ans après la première que Dominik nous livre cette merveille improbable.
C'est lent et beau sans jamais être pesant ou chiant parce que les sentiments humains qui animent les personnages principaux sont si bien décrits que chaque scène est habitée d'une tension palpable, à tel point que la narration en devient intense. Oui on sait vers où l'ou cela va aller, mais à chaque étape de la dégradation mentale de Robert Ford, on se demande COMMENT il en arrivera là ou le film se terminera. Casey Affleck est magnifique tant il rend parfaitement tangible sa frustration son envie, sa fascination pour un Jesse James campé par un Brad Pitt un fois de plus extraordinaire, faisant de son personnage un être à la fois insaisissable, violent, implacable mais toutefois d'une terrible ambiguité.
Car c'est une des forces de ce film, à l'image d'une série comme les Soprano, que de dépeindre le personnage principal du récit comme un être à la fois monstrueux et terriblement humain et attachant, au point que l'on veuille repousser viscéralement l'échéance inéducable.
La voix-off, et c'est très rare, apporte une dimension supplémentaire, presque "historique" à l'intrigue et chaque scène dont elle décrit les enjeux, chaque fois qu'elle raconte le temps passée entre deux plans constitue un moment fort.
L'esthétique du film, loin de paraître factice ou artificielle, contribue à nous rendre paradoxalement encore plus présente réelle une atmosphère de l'ouest du 19eme siècle, jouant sur les images qui nous sont restées de ce temps et cette époque, à base de flou et de sépia (mais je rassure le candidat non décidé de ce film: c'est ponctuel). La scène de l'attaque du train est à ce titre exemplaire. Elle est d'une beauté à couper le souffle.
Car c'est là une des forces du film: les scènes de violence, assez rares et souvent très soudaines, en deviennent d'autant plus brutales et efficaces.
Et le dernier point hyper important du film, qui lie l'ensemble et lui donne aussi sa force, c'est la musique. Une musique habitée, envoûtante, écrite par Nick Cave et Warren Ellis. Le duo (également impliqué dans les Bad Seeds et le Grinderman, quels PUTAINS d'artistes !) avait auparavant officié pour "The proposition" (scénar de Nick Cave...) et le fera de nouveau magnifiquement pour "The Road". Le résultat est tout simplement tétanisant de beauté.
Dernier point, et c'est une sacrée bonne nouvelle pour tous les amoureux de ce film: Andrew Dominik a mis en route son prochain long-métrage, qui comprendra encore Pitt et Affleck, mais aussi Javier Bardem, Mark Ruffalo, Sam Rockwell, et James Gandolfini ! Quelle fascinante brochette pour ce "Cogan's Trade" !
Moi, j'en salive d'avance.