Il est toujours délicat, surtout pour un spectateur de la profession, de mettre en scène le rapport entre un adulte en position de didactitien et un jeune public. Laurent Cantet l’a déjà fait avec Entre les murs, et récidive ici, avec quelques variations, puisqu’il s’agit d’un atelier d’écriture mettant une romancière célèbre (Marina Foïs, qui convainc largement lorsqu’elle quitte le registre de la comédie) aux prises avec des jeunes de La Ciotat, la plupart en situation de décrochage.
On redoute un peu, au fil des premières séances, l’œuvre qui s’ébauche. À travers les propositions d’écriture des différents protagonistes se dessinent des portraits un peu trop typés (le taiseux rebelle, la magrébine fière de ses origines, le noir méfiant, le ténébreux adepte de l’ultra-violence, même si le jeu des comédiens est unanimement formidable) et des dialogues qui dévient irrémédiablement vers les sujets de société les plus brûlants : l’amalgame entre la religion musulmane et le terrorisme, le chômage, les doutes de la jeunesse, la tentation de l’extrême droite… auxquels s’ajoute en toile de fond la sempiternelle dissertation sur les liens entre fiction et réalité.
Cela fait beaucoup pour un seul film, et semble dans un premier temps plus proche d’un documentaire qui vanterait ce type d’initiative dans les politiques locales, jusqu’à ce que se dessine une trajectoire pour le moins singulière. Le personnage d’Antoine, qui ouvrait le film et qu’on croit à un moment destiné à se noyer dans la masse un peu trop volubile du groupe, reste le protagoniste et oppose à la collectivité une ligne dure, un regard acéré par une haine froide qui va lui permettre une sorte de révélation. Aux détours de la fiction, il oppose ainsi une action, et devient l’objet d’une fascination un peu malsaine de la romancière. Celle-ci serait bien tentée de faire de cette personne un personnage, alors que le jeune homme n’hésite pas, lors de certaines confrontations, à mettre au jour les contradictions et les poses de celle qui se prétend à la conduite de l’atelier.
La lutte avec le groupe, assumée par l’attitude volontairement provocatrice d’Antoine, dessine donc un rapport d’attraction / répulsion autrement plus ambivalent avec l’adulte. L’enquête qu’elle fait sur lui est certes un peu facile, et les éléments de dévoilement sur ses activités troubles ne sont pas de la première subtilité, mais il faut les voir comme des moyens, et non une fin.
Car la direction prise par le récit et les conclusions vers lesquelles il converge est tout à fait surprenante. A travers une errance nocturne et une confession solaire, se formule une poésie noire qui dérive vers la fable quasi existentialiste. D’un portrait générationnel, le film bascule ainsi vers la question primordiale du rapport entre liberté individuelle et morale.
Dans un festival ou tant de films ne sont pas parvenus à dépasser un premier tiers plein de promesses, L’Atelier fait exactement l’inverse ; une performance à saluer.