"Non, je ne me connais pas, non je ne connais toujours pas le secret de mon identité"

Nous n'avons pas toujours les mots pour dire le désarroi, l'envie de tout foutre en l'air, de recommencer une vie qui à 16 ans déjà nous paraît tracée, foutue, emprisonnée. Pourtant, les mots jaillissent aussi violents, provocateurs. Ils sont parfois doux, évoquant un passé encore bien présent. La douceur pourtant n'empêche pas la peur, la réserve. Il y a des sourires. Et des faux-semblants. Etre écrivain et se faire bousculer dans des convictions bien arrêtées, c'est parfois compliqué pour Olivia, auteure présentée (perçue ?) comme très hautaine. C'est en tout cas l'expérience qu'elle fait comme animatrice d'un atelier d'écriture à la Ciotat. C'est l'été, il fait très beau et elle pousse des jeunes à écrire. Sur leur vie, ce qu'ils perçoivent du monde qui les entourent. Pourtant, nombre d'entre eux voudraient plutôt échapper à ce quotidien et ne savent pas trop ce qu'ils font là. Point d'angélisme donc derrière la caméra de Laurent Cantet. Il fait d'ailleurs un pied de nez à cet angélisme quand il filme une interview des jeunes de l'atelier et d'Olivia, leur "patronne". Ses mots sonnent faux quand on connait le parcours des autres, elle le sait, mais surtout Antoine le sait. Est-ce lui finalement le véritable sujet du film ? Il aura en tout cas le dernier mot dans un texte assez bouleversant et pourtant très simple qui dit la difficulté à vivre, alors qu'on devrait "s'estimer heureux". Combien de fois avons-nous pu entendre cette phrase, alors qu'une douleur indéfinissable pouvait pourtant nous envahir, l'air de rien. Car ne manquer de rien, ce n'est pas pour autant s'imaginer un avenir, un désir, une passion. Quand il parle du "plaisir" de tuer, de l'envie simplement, Antoine provoque, mais il dit aussi l'ennuie, l'impression d'inutilité qui l'envahie, la cible facile qu'on se trouve parce que l'on ne trouve pas d'identité. Un être en construction qui détruit des champs de ruines, ne peut que courir à sa perte. A moins qu'un espoir pointe.


Avec toujours autant de justesse, de qualités de mise en scène, et un peu moins de moralisme que dans "Entre les murs", Laurent Cantet poursuit son exploration de la jeunesse désœuvrée et de ses conséquences avec une acuité toute nouvelle. Voilà les écrans qui sont partout et ne disent plus rien sinon une violence sourde, un dialogue qui devient monologue à force de ne faire que parler sans véritablement débattre, une mise en scène de soi qu'Antoine vit jusque dans ses moments de "vie réelle". Il n'a plus de véritables sentiments, tout passe, tout coule. Au milieu de cela, Olivia sous les traits de Marina Fois se révèle être une proie presque idéale, tant elle est fascinée par ce grand gaillard très "plastique" auquel elle pense donner des leçons, mais qui la prend de court.


Il y aura finalement des mots, beaucoup de mots pour dire la peur, la mort, l'angoisse. Mais que restera-t- il dans les corps, dans la chair. Quel sera l'avenir ? Laurent Cantet semble simplement dire que tout reste à écrire pour Antoine, sans nous conclure une petite vie bien tracée, mais finalement la possibilité d'un avenir, même moins lumineux qu'espéré. La confrontation entre Olivia et Antoine, les bifurcations du scénario, le recentrage assez régulier sur l'atelier d'écriture font de L'atelier un film passionnant, qui ne prend jamais les chemins attendus et ne se contente pas de s'attendrir d'un sujet rebattu. Non, il n'y aura pas de miracles pour ces jeunes qui se retrouvent et écrivent ensemble, mais leurs vies auront tressauté un instant, se seront simplement croisées, pour se changer à jamais, ivres de mots et de regards.

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le 16 oct. 2017

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eloch

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