Taquinerie de maçon farceur
S'il y a une chose que l'on ne peut enlever à Fulci et qui caractérise l'ensemble de son oeuvre, c'est bien son incroyable sens de l'esthétisme. L'au-delà en est un exemple tout désigné, véritable poésie macabre dont la beauté formelle irradie l'écran. Chacun des plans y prenant part est un tour de force graphique construisant une fougueuse ode à l'expression horrifique. De ses premières séquences très picturales jusqu'à son final marqué par une symbolique mortuaire très forte, Fulci impose son style et son sens de l'image sans ménager ses spectateurs.
C'est alors totalement fasciné que l'on assiste à une dissection peu académique de son esprit torturé. L'au-delà transpire de toutes les obsessions du cinéaste pour la mort, un thème qui l'habite totalement et qu'il insuffle dans la plupart de ses films. On pense notamment à Frayeurs, qui usait de quelques artifices semblables pour imager le trépas et sa suite. Pour animer l’Au-delà, Fulci , inspiré comme jamais, ne manque aucune occasion de bousculer les conventions, en s'appropriant l'esthétisme gore du genre horrifique, pour délivrer une réflexion très personnelle sur la mort et ce qu'elle lui inspire.
Mais cette forte volonté de s’affranchir de toute règle rend parfois L’au-delà un peu foutraque. Place est faite à un laisser aller créatif dont le manque de retenue nuit quelque peu à sa structure globale; ce qui pourra agacer les plus pragmatiques. Il est par exemple aisé de se mettre à soupirer devant la 50ème tentative d’un personnage à shooter du zomblard en lui tirant une bastos dans le ventre — avant de recharger son six-coups par le canon /!\ — alors qu'il en a déjà dézingués une bonne centaine par un classique headshot des familles.
De quoi faire sourire, ou irriter, le spectateur attentif. Cet irréalisme constant est très certainement souhaité par Fulci, comme en témoignent aussi ses personnages anecdotiques et son fil rouge narratif on ne peut plus vaporeux. La seule préoccupation de l’auteur semble être l’ultime séquence de son film qui fait l’effet d’un point final à sa réflexion sur la mort, le reste n’est pour lui qu’accessoire de divertissement.
Pour profiter pleinement de ce voyage outre tombe, il convient de laisser son sens pratique au placard. Seules les ambiances mitonnées d’une main de maître par l’esthète aux commandes font de ce film une récréation chaotique très typique de son auteur, lequel oublie parfois qu’une histoire solide peut également lui être utile.
Ainsi s’il est facile d’étancher sa soif de belles images, de se repaître grassement le sourire aux lèvres d’étripages en règle et de se laisser bercer par le score envoûtant de Fabio Frizzi, on a tout de même encore les crocs en fin de séance. C’est pourquoi, de l’auteur, je préfère L'enfer des zombies et Frayeurs qui sont un peu plus ambitieux dans leur écriture. Cela étant dit, L'Au Dela, par sa beauté plastique et son absence totale de concession, est une bobine indispensable, lorsqu’on apprécie l’oeuvre du cinéaste Transalpin, tant ce dernier s'y livre sans retenue.