Grand bond en avant que cet avenir proposé par Mia Hansen-Løve qui a 35 ans s’était jusqu’alors surtout préoccupée de la post adolescence, celle d’Un amour de jeunesse ou de la musique électronique dans Eden.
L’Avenir est un retour à la case famille, telle qu’elle était déjà abordée dans Le Père de mes enfants, à l’épreuve du manque et des béances qui forcent à la reconstruction, mais cette fois, à un âge plus problématique. La cinéaste investit un terrain presque vierge, celui de la soixantaine, sur lequel la protagoniste, Isabelle Huppert, peut se considérer comme dans l’après : les enfants sont partis, son mari la quitte, les à-côtés de son boulot de prof de philo, dans l’édition, tournent court.
Que faire de cette liberté ? Face à elle, les lycéens font la grève pour leur retraite, sa mère la sollicite sans cesse du bas de sa dépression, un de ses anciens élèves joint la parole à l’action en s’installant dans une collectivité libertaire dans le Vercors, sa fille accouche, son mari refait sa vie : la vie est partout, les convictions nombreuses.
Le propos du film est là : faire le point sur celle qui reste, et se questionne, sans révolution, sur le sens à donner aux décennies qu’il lui reste à vivre. Le choix d’une comédienne de la trempe d’Isabelle Huppert n’est évidemment pas innocent : elle seule sait rendre prégnante ce mélange délicat de mélancolie et d’assurance, cette nonchalance blessée qui refuse de se laisser abattre.
La modestie du sujet, étude de mœurs sans coup d’éclat, affecte cependant la forme même du film : les débuts sont assez laborieux, et irriteront quiconque a des reproches à faire au cinéma franco-français : affectation des répliques, traits assez caricaturaux, name dropping des références de philosophie ankylosent bien des séquences. Dans le même ordre d’idée, faire parler seule la protagoniste sonne quelque fois assez faux ; le film en devient assez irrégulier, oscillant entre ces séquences assez artificielles et d’autres moments où la vérité parvient à surgir.
Dans cette zone grise de la vie d’une femme qui ne la refait pas vraiment, rendant visite à ceux qui agissent, on s’émeut finalement davantage pour un sujet que pour le personnage lui-même. Mia Hansen-Løve a le mérite de braquer les projecteurs sur ce qui pourrait être considéré comme dénuée d’intérêt, et distille une empathie dont la sincérité ne fait pas de doute.