1970: Costa Gavras décide d'adapter au cinéma le livre d'Artur London. Depuis le printemps de Prague en 1968, des militants communistes en Europe de l'Ouest se demandent si le soleil se lève toujours à l'Est. En 1972, les partis communistes espagnol, français et italien se libèrent officiellement de la tutelle de Moscou (officiellement, car ce n'est pas si simple) pour adopter une attitude plus gaullienne (ni Alliance atlantique, ni Pacte de Varsovie). Ce film y a-t-il contribué? C'est possible.
Costa Gavras réunit donc une équipe de camarades parmi lesquels Jorge Semprun et Yves Montand pour réaliser "L'aveu". C'est donc un film de militants pour des militants. Cela présente deux défauts. D'abord il est bourré de références à de nombreux personnages et procès politiques des purges staliniennes qui ont court depuis 1930 dans les pays du pacte de Varsovie; des références qui peuvent sembler obscures aux spectateurs qui ne sont pas militants communistes et n'ont pas connu cette époque. Ensuite, en mettant l'accent sur les procès de ces dirigeants qu'avaient suivi la presse mondiale, on occulte le sort des koulaks, des obscurs et des sans grades qui étaient massacrés, torturés et internés par millions avec beaucoup moins de ménagement (pour plus de renseignements sur ces exactions, je vous recommande "L'archipel du goulag" de Soljenitsyne. C'est une compilation, indigeste soit, de faits et témoignages, mais en piochant dedans on comprend le fonctionnement du système soviétique, très différent du système nazi). Cela permettait de continuer de croire au communisme en rejetant la faute sur Staline.
Il faudra encore de nombreuses années après ce film pour qu'Yves Montand fasse un long et touchant mea-culpa à la télévision. Il pourra ainsi nous affirmer qu'on peut désormais le croire car il reconnait s'être trompé toute sa vie.
Quelques repères
Au cours de la guerre d'Espagne, le camp républicain était partagé entre les communistes et les anarchistes qui n'hésitaient pas à s'entre-tuer à l'occasion. Dans ce camp, les brigades internationales avaient attiré des combattants et des observateurs de tous les pays, militants, idéalistes ou aventuriers de tous poils s'y retrouvaient unis par la camaraderie du combat (Ce qui explique l'amitié qui lie Artur London à des anglais et américains). On pouvait croiser des gens aussi divers qu'Ernest Hemingway (Pour qui sonne le glas), André Malraux (l'Espoir), Arthur Koestler ou Georges Orwell.
La passionaria était une dirigeante communiste célèbre pour ses discours enflammés à la radio qu'elle concluait par son fameux "¡No pasarán!".
Après la guerre d'Espagne, les brigades internationales se dispersent. On en retrouve beaucoup en France qui entrent tout naturellement, avec des espagnols réfugiés, dans la résistance à l'occupant allemand.
Après la guerre, on en retrouve dans tous les conflits, même en Chine comme Malraux (La condition humaine).
Le Komintern est l'internationale communiste inféodée à Moscou au contraire des titistes ou des trotskistes.
Tito était un résistant communiste Yougoslave qui après avoir éliminé tous ses concurrents à la libération, établit une dictature communiste indépendante en Yougoslavie en rompant avec le komintern et Staline.
Léon Trotski fut un des dirigeants bolcheviks de la révolution russe avec Lénine et fondateur de l'armée rouge. Plus radical que Staline, il est chassé par ce dernier qui finira par le faire assassiner au Mexique.
Les nombreux autres noms cités sont essentiellement des dirigeants victimes de purges dans les différents pays du Pacte de Varsovie. Leurs principaux défauts étaient d'être membres de groupes solidaires (ancien de la guerre d'Espagne, juifs...) ou idéalistes, tous critères qui pouvaient amener certains à la contestation ou au regroupement. Les apparatchiks (membres de l'appareil, carriéristes), plus dociles et prévisibles étaient préférables aux militants sincères.
Le 21 août 1968, les troupes soviétiques entrent en Tchécoslovaquie, mettant fin au printemps de Prague, seize ans après le procès. Costa Gavras finit sur ces images.
Ce film eut un succès retentissant à sa sortie. Il est le témoin d'une époque que nous sommes en train d'oublier.
Moins lourd que les mémoires d'Artur London, "L'aveu" est un des rares exemples ou le film est meilleur que le livre dont il est tiré.