C'est en écoutant Albert Dupontel parler d'éducation et des préceptes pédagogiques de Célestin Freinet que j'ai découvert ce film de 1949 réalisé par Jean-Paul Le Chanois. L'École Buissonnière est basée sur une histoire de Élise Freinet, épouse de Celestin, et nous plonge dans des questionnements toujours d'actualités sur ce que nous devrions enseigner et apprendre aux enfants alors qu'ils sont sur les bancs de l'école.
L'École Buissonnière nous raconte l'histoire de Monsieur Pascal un jeune maître d'école idéaliste qui vient remplacer un enseignant de la vieille école qui part en retraite. Le jeune homme, ancien soldat de la première guerre, arrive ainsi dans un petit village provençal de 1920 bien décidé à offrir de nouveaux horizons aux gamins du coin.
Fatalement les préceptes d'hier ne sont plus tout à fait les enjeux d'aujourd'hui et le film de Jean-Paul Le Chanois possède un petit côté vieillot, naïf et idéaliste qui ne résistera forcément pas très longtemps aux analyses pragmatiques et cyniques de notre époque d'autant plus que l'école et l'éducation n'est plus la même qu'à l'époque du film (même si certains voudraient y revenir). Ce bon Monsieur Pascal débarque donc dans une école décrépite, humide et qui sent les latrines; une école dans laquelle on gave à l'entonnoir d'un savoir appris mécaniquement par cœur des élèves qui marchent au pas militaire et sont menacés de 20 lignes réglementaires au moindre haussement de sourcils . A l'image de Robin Williams 50 ans plus tard dans Le Cercle des Poètes Disparus, monsieur Pascal souhaite balayer l'uniformisation stérile des esprits pour révéler le meilleur derrière chacun des élèves de sa classe et faire du rêveur, du cancre, du timide, de l'artiste des hommes libres, ouverts et heureux. Intéresser plutôt qu'éduquer, ouvrir l'esprit plutôt que de le gaver, écouter l'autre autant que parler soit même, accomplir plutôt que de brimer, ce maître atypique poussera ses élèves vers la culture, l'écriture, l'histoire, les mathématiques par le prisme de leurs intérêts personnels dont il finiront par faire œuvre collective à travers un journal imprimé par leurs soins à tous. Alors bien sûr on me dira que tout ceci n'est qu'une utopie libertaire qui conduira à l'échec cuisant de l'autorité, sauf que ce brave Monsieur Pascal restera le plus respecté et le plus aimé de ses élèves. Que doit on apprendre à l'école, à devenir une personne accompli ou le nouveau pion d'un système fait d'une éternelle compétition visant à écraser le plus faible ? L'éducation doit elle rester ce hachoir qui broie les individus pour en faire une chair à saucisse uniforme comme dans Another Brick in the Wall ou révéler les aspirations profonde de celles et ceux qui viennent y trouver les principes fondamentaux pour vivre avec soit même et la société. Il y-a dans L'École Buissonnière de magnifiques dialogues qui sonnent encore bien trop juste comme lorsqu'un marchand envoie balader ce maître en quête de financement pour le journal de l'école " Vous êtes un marchand de paradis - Je ne suis pas philanthrope - Pourquoi voulez vous de l'argent pour donner aux fils de mes paysans l'occasion d'être savants ? - Qu'est ce que ça rapportera ? De quoi ai je besoin ? - D'ouvriers et de paysans et c'est tout , un peu d'histoire et de géographie, les quatre opérations et pas plus , sinon ils veulent devenir des monsieur ". Fatalement avec son éducation qui pète les estrades pour se retrouver au milieu des élèves , qui choisit le respect plutôt que la discipline, qui tente d'ouvrir les esprits au monde plutôt que de l'enfoncer de force dans les crânes, Monsieur Pascal finira par s'attirer les foudres des notables du village craignant l'avènements d'un monde d'artistes, de rêveurs et de citoyens plus calés sur la déclaration des droits de l'homme que sur les grandes dates de l'histoire. S'en suivra une délicieuse guerre de clocher avec l'accent chantant de la Provence entre les sympathisants de ce maître d'école utopiste et des opposants plus pragmatiques bien décidés à le faire partir au plus vite.
L'École Buissonnière est un très joli film drôle, tendre et amer, un film porté par la magnifique prestation de Bernard Blier formidable en maître d'école débonnaire et idéaliste. Difficile de prétendre que le comédien trouve ici l'un des plus beau rôle de son immense et pléthorique carrière alors débutante mais il est certain que peu de réalisateur auront su révéler à ce point toute la tendresse, la douceur, le charme, la fragiité et la bonhomie de l'acteur. Face à lui les gamins semblant échappés à la fois d'une photo de Doisneau ou de La Guerre des Boutons sont confondants de naturels et même si quelques caractères et gamins sont un peu mis sur le devant tous auront une même importance au cœur du récit. Le film qui baigne dans la douce et chaleureuse ambiance de la Provence convoque quelques personnages à la truculence Pagnolesque dont l'accent chantant fait tellement de bien aux oreilles. L'École Buissonnière est une fable humaniste, une tendre comédie certes naïve mais tellement bienveillante qu'elle fait chaud au cœur. Moi qui généralement ai des envies de meurtres lorsque j'entend une chorale d'enfants dégoulinante de gentillesse j'avais même le sourire humide lors du joli final du film.
L'École Buissonnière est vraiment un très joli petit film qui aura su faire battre le petit cœur calciné du griffu chapeauté de vos cauchemars. On ne devrait jamais embarrasser l'esprit des enfants au point de leur faire oublier de réfléchir à leur propre bonheur.