Audacieux
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Après "The We and the I" qui avait séduit les critiques par son huit clos dans un bus en s'attardant sur l'intimité de jeunes adolescents américains, Michel Gondry s'attarde sur l'adaptation du roman de Boris Vian, déclaré jusque là comme inadaptable à l'écran. Le défis était assez intimidant mais Michel Gondry réussit à s'en sortir, avec un peu de casse quand même, en présentant une touchante comédie romantique, littéralement à l'eau de rose, qui vire au drame. Avec Audrey Tautou et Romain Duris en couple phare de l'histoire, allias Chloé et Colin, le réalisateur aborde de manière assez poétique un regard sur le grand amour avec un grand A et la maladie qui gangrène cet amour et la vie.
On retrouve surtout dans "L'écume des Jours" tout ce qui a fait le succès de Michel Gondry, lorsqu'il était encore réalisateur de clips, avec une maîtrise impressionnante, mais presque trop encombrante, de ses diverses techniques d’animation et déroute quelque peu le spectateur. De l'animation image par image à l'incrustation sous fond vers en passant par la projection d'images dans l'image et autres trucages du décors, le film s'empresse de créer un univers onirique autour de ces effets spéciaux mécaniques, à défaut de semer un peu la confusion dans l'utilité et le rôle des objets. C'est simple : tout est apparemment vivant dans ce monde où vivent Colin et Chloé. Ce ne sont pas les personnages qui créent l'interaction avec le spectateur mais plutôt la décoration qui attire l'oeil et délaisse les protagonistes. La distance ainsi crée fait qu'on est assez peu, voir pas du tout, ému par l'histoire de notre couple parfait. Le caractère trop original de la décoration et des objets pose des questions sur leurs utilités dans l'avancement de l'histoire comme le piano-cocktail ou encore Monsieur Souri. En effet pour un film de 2h50 (donc bien trop long pour nos petites vessies) l’omission de quelques détails récréatifs du livre auraient été les bienvenues pour raccourcir la trop longue durée du film, qui avec cette distance entre émotion et spectaculaire se fait vraiment ressentir.
Le livre n'étant plus au programme du lycée depuis un moment, beaucoup se retrouverons aussi face à un film dont la subtilité des tournures de phrases et des jeux de mots échappe quelques fois au spectateur. Cependant l'humour caractéristique de Gondry est bien présent et à su s'appuyer sur un univers métaphorique et une mimique des comédiens pour retranscrire la fantaisie des dialogues et des situations. Les scènes de danse de Biglemoi restent assez drôles à regarder, toujours majoritairement par le travail d'animation, mais aussi par l'interprétation comique qu'on lui connait bien d'Omar Sy, qui est un des personnages les plus amusants avec Gad Elmaleh et Alain Chabbat.
S'en suit un traitement des sujets de la maladie et une prise de conscience d'un monde économiquement difficile par métaphore qui relève le niveau du film. La maladie de Chloé ; un nénuphar qui pousse dans son poumon droit ; fait aussitôt penser au cancer des poumons mais est aussi traitée dans le film comme une maladie plus générale qui fait abattre fatalement le malheur sur Colin et Chloé. Une simple maladie physique devient alors une maladie qui va gangréner la vie du couple et pourrir leur idylle amoureuse. L'animation et le décors vont ainsi s'allier pour contaminer progressivement l'univers autrefois parfait de Colin. L'addiction aux drogues ou autres problèmes de fan-addict est vue à travers le personnage de Chic (Gad Elmaleh) qui rappel un peu l'effervescence que Cloclo crée autour de lui. Une vision très exagérée du fan-drogué qui va amener progressivement Gad Elmaleh à passer d'ami bienveillant en zombie qui suce les onces de vie restantes à Colin. Gad Elmaleh qui réussit à se détacher un peu de son image de comique, n'apporte pas grand chose à la comédie romantique que vivent Chloé et Colin mais va véritablement appuyer sur l'univers noir et injuste dans la partie tragique du film.
L'image onirique de la chance qui tourne, du sort qui s'acharne, et d'un monde parfait et riche qui s'écroule, est un des aspects du film un peu trop contrasté qui font basculer le film d'un catégorie de comédie romantique au drame de manière trop nette. Cela opère comme une césure qui coupe le film en deux et nous renvoie à son problème de durée : le film aurait eu le mérite d'être plus court ou bien d'en être 2 différents. Le manque de liant et l'univers d'effets spéciaux étant trop important, la concentration est difficile à être maintenu pour compenser les erreurs de cette adaptation à l'écran. De plus, ce choix de situer l'histoire dans une France des années 1960-1980, par les costumes et design des intérieurs, se heurtent à un problème de tournage en décors réel à Paris. Le manque de respect de l'époque et les incohérences atemporelles, cumulées à l'attrait des effets spéciaux de Gondry, continuent de creuser cet espace entre émotion et histoire, laissant le spectateur sur sa fin. On passe de l'excitation d'une histoire loufoque à une tragédie fataliste qui traîne trop en longueur.
Comme la petite navette de nuage de Colin et Chloé qui nous fait virevolté dans les airs, il faut bien redescendre à un moment. Mettre pied à terre ou à l'étrier c'est dur, tout comme regarder le film jusqu'à sa fin qu'on avait tant espéré. "L'écume des Jours" prouve que le charme s'efface avec le temps et que la chance tourne, même pour Michel Gondry.
Créée
le 29 juil. 2016
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