Le Mississippi peut sembler lisse en surface mais est en réalité un fleuve très agité par les courants en dessous. C'est ce fleuve que les américains appellent entre autres « the big Muddy » ; signifiant « le grand Boueux ». Mud c'est d'ailleurs le titre éponyme désignant le héros vagabond de Jeff Nichols pour son nouveau film. Un titre qui fait échos à la réputation du fleuve : calme en surface mais trouble et imprévisible pour la partie immergée.


L'histoire s'attache à des personnages reliés par une chose : comprendre les mouvements impérieux de l'amour. Ellis et Neckbone sont 2 adolescents de 14ans vivants dans l'Arkansas. Habitués de la pêche et du vagabondage sur le fleuve, ils découvrent un bateau dans un arbre sur un îlot de sable isolé au milieu du fleuve. Sur cet îlot ils font aussi la rencontre mystérieuse de Mud, un vagabond superstitieux, qui s'est déjà approprié le bateau comme cabane. Ce dernier est à la recherche de la femme de sa vie qui doit le retrouver sur cette île. Coincé entre un divorce imminent de ces parents et un amour de jeunesse décevant, Ellis s'identifie à Mud et entraîne Neckbone dans une véritable quête de l'amour pour réunir Mud et sa belle Juniper (jouée par Reese Witherspoon).


Après l'énigmatique et retournant film Take Shelter, Jeff Nichols s'attaque toujours aux éléments qui se déchaînent. Après ceux de Mère Nature et de l'esprit humain, il s'attaque au drame psychologique. Les 2 films sont étrangement proches et pourtant on y retrouvera pas ce qui séduisait le spectateur dans le premier dans ce second. Le film ne crée pas de sensation de mal aise ni de doute dans l'esprit du spectateur. La caméra se tient toujours face aux personnages, centrée sur leurs visages et leurs regards, alternant avec des plans d'ensemble de décors de bayou et d'un ciel gris pluvieux + un rythme lent qui s'attarde encore sur un regard qui fixe un horizon insaisissable. Mais l'intérieur des personnages est bouillonnant alors que tout autour est calme, même figé. Ellis tente de se débattre dans ce monde où rien n'a encore changé mais qui promet de déborder tout d'un coup, imprévisible.
La mère d'Ellis veut quitter la maison familiale sur la rive du fleuve pour partir s'installer en ville. En ville, Ellis s'entiche de May Pearl, une jeune adolescente qui se joue de lui. Et il y a Mud qui attend Juniper, femme fantomatique qui reste distante. Les personnages pourraient être touchants si ils se mouillaient plus. Ellis est comme un lien qui relie tous ces affluents, pourtant on a l'impression de reste en surface. On devine le trouble sous l'eau mais on n'y plonge pas.
Le film reste intéressant par cet aspect calme et lisse, comme Ellis qui semble endigué par une force invisible qui le motive et fait front. Et pourtant plus la fin approche et plus l'histoire devient imprévisible et échappe à tout contrôle. Peut être aussi à son réalisateur qui se laisse ensevelir par ce danger soudain et enchaîne les catastrophes sur catastrophes (Les parents d'Ellis qui découvrent qu'il a volé un moteur de bateau, Ellis qui se fait mordre par un serpent, la fusillade, et le corps de Mud qui disparaît dans le Mississippi). Dans Take Shelter, le crescendo de tension qui se terminait sur la menace imminente était l'âme du film que le réalisateur avait su maîtriser. Dans Mud la fin est trop limpide, et apporte des éléments de réponses simples qui décrédibilisent les épreuves que les personnages ont traversé. Juniper ne s'enfuie pas avec Mud alors que finalement ses poursuivant sont mort et Mud pourrait lui proposer une vie autre qu'en cavale ; Ellis semble plus proche de son père une fois parti la maison et le mariage pour lesquels ils se battaient ; et Ellis surpasse son chagrin d'amour, démystifiant ainsi le concept d'amour unique pour lequel il se battait.


Le film se termine étrangement sur un plan large du fleuve finissant dans la mer puis le gros plan de Mud fixant cet horizon qu'il a enfin atteint. Cette scène est une réplique exacte de la fin de Take Shelter lorsque le héros découvre la mer agitée et la tempête qui arrive. Après le calme, la tempête. Mud ne se prépare pas à une tempête qui arrive comme Take Shelter, mais traverse la tempête. Lorsqu'on est dans l'oeil du cyclone, les choses paraissent chaotiques autour alors que rien ne nous atteint.

Kolynou
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le 29 juil. 2016

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