Dans la série des bouquins réputés inadaptables au cinéma, L'Ecume des Jours se pose là. Chef d’œuvre de Boris Vian que vous avez sans doute lu car il est (ou a été) au programme de lecture au collège, le livre a pourtant eu droit à une première version en 1968 avec Jacques Perrin dans le rôle principal. Inadaptable car l'univers de Colin et Chloé est complétement fantaisiste et difficilement retranscriptible à l'écran.

Au final, s'il y a bien un seul réalisateur en France qu'on imaginait capable de traduire les pages de Vian à l'écran, c'était bien Michel Gondry. Ca tombe bien, le bonhomme livre une adaptation de haut vol.
Gondry déclare avoir toujours été fan de Vian, et son parcours ne fait que le prouver. De l'univers onirique d'Eternal Sunshine aux bricolages de Soyez Sympa Rembobinez en passant par la caméra virtuose du Frelon Vert, tout laissait penser au spectateur qu'il était l'homme de la situation.

Et Gondry le prouve dès les premières minutes du film dans l'appartement de Colin, construit dans une rame de métro située en hauteur, entre deux maisons. Non seulement le réalisateur parvient à recréer l'univers visuel de Vian mais il s'offre le luxe de le "comprendre". Tout n'aurait pu être qu'effets numériques mais il semblait plus logique pour le réalisateur (mais aussi pour nous après avoir vu le film) d'utiliser des techniques plus anciennes : maquettes, stop motion, dessin animé, séquences suédées et même effets de lanterne magique ont la part belle dans le film, rendant l'univers aussi onirique que possible. Les toutes premières minutes sont forcément déroutantes, mais les premières pages l'étaient tout autant.

On avait quelques doutes à l'annonce du casting mais tous les rôles ont été bien choisis, surtout Romain Duris absolument parfait dans le rôle de Colin. Je suis néanmoins plus sceptique quand au choix d'Audrey Tautou en Chloé. Elle fait le boulot mais ne parait pas correspondre à l'image que j'en avais, du moins pas à la description que Vian en faisait dans ses pages. Mais vu que l'histoire est d'avantage centrée sur Colin, on n'en tiendra pas rigueur.

Evidemment, quand il est question d'adaptation, il est question de choix. Et forcément, Michel Gondry doit en faire. Nous on va faire la connaissance de Colin, un jeune homme qui ne travaille pas car il n'en a pas besoin. Il va tomber amoureux de la jolie Chloé et emmenager avec elle. Autour d'eux gravitent différents personnages, dont le cuisinier et ami de Colin ou encore Chick, fan absolu de l'écrivain Jean-Sol Partre (oui, avec les lettres dans cet ordre). Ils vivent heureux, vont faire du patin à glace et se nourissent joyeusement des anguilles qui vivent dans les canalisations. Mais le monde de Colin va s'effondrer quand Chloé va attraper un nénuphar dans le poumon. Riche, mais n'ayant pas de revenus d'argent, il va se ruiner pour tenter de la sauver.
Gondry nous raconte donc ici l'essentiel de l'histoire écrite par Boris Vian, se centrant sur Colin et Chloé. Il se permet d'ailleurs d'y glisser dès le début du film des allusions au roman, comme si l'histoire de son film était réelle et avait donné les écrits que l'on connait.

La première partie du film fonctionne admirablement. La découverte de l'univers, des personnages et l'humour qui le ponctue font mouche à chaque fois. La première heure est en cela un bonheur de tous les instants : celui de découvrir l'univers de Boris Vian prendre vie. Le deuxième acte est un peu plus difficile, d'abord parce qu'il vire à la tragédie (ce que Gondry traduit d'ailleurs en jouant sur les couleurs utilisées) mais aussi parce que toutes les ingéniosités visuelles que j'évoquais déservent un peu (mais un peu seulement) les émotions. Quelque part, il est difficile de voir le déclin de Chloé parce que sa maladie et son traitement sont fantaisistes. Le torrent de larmes attendu si vous êtes lecteurs peine à venir.

Mais ça n'enlève en rien aux nombreuses qualités de l'Ecume des Jours, cette fois "arrangé par Michel Gondry", et il sera dommage de passer à coté. Peut-être même auriez-vous ensuite envie d'écouter un peu de Duke Ellington...
cloneweb
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le 18 avr. 2013

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