Die Hard : Belle journée pour mourir par cloneweb
On ne va pas y aller par quatre chemins : Piège de Cristal, sorti en 1988, a inventé le film d’action des années 90. Bruce Willis lui doit sa carrière post-Clair de Lune et nous une tripotée de blockbusters reprenant le modèle jusqu’à la série 24 Heures Chrono qui fit de Jack Baueur le John McClane de la télévision. Le film réalisé par John McTiernan, mis en lumière par Jan de Bont et en musique par Michael Kamen n’a non seulement pas pris une ride mais reste un des meilleurs films du genre de ces vingt dernières années (et un des meilleurs films « de Noël).
Le héros de Piège de Cristal, et de la franchise Die Hard, a des codes bien à lui au delà du fameux « Yippee-ki-yay, pauvre con ». Ses aventures se déroulent normalement en huis clos, dans des terrains de jeux de plus en plus vaste (un immeuble, un aéroport et une partie de New York) et il est toujours plus ou moins secondé par une galerie de bons personnages, comme le Sergent Powell ou Samuel L « Zeus » Jackson.
McClane, c’est un flic comme un autre, pas un super héros. Il est juste au mauvais endroit au mauvais moment et prend sur lui pour sauver la situation -et sa famille toujours impliquée d’une manière ou d’une autre. Il a pour habitude de faire avec les moyens du bord, se parle à lui-même, communique toujours par téléphone avec ses ennemis et n’hésite pas à faire des trucs improbables mettant sa propre vie en danger.
Tous ces codes ont été utilisés dans trois films puis est arrivé Len Wiseman et son quatrième volet. Le bougre, auréolé par le succès de ses films de vampires, a fait avec ses moyens et son talent pour tenter de reprendre tout ça, pompant allégrement dans le troisième et tentant de faire toujours plus grand et encore plus explosif, oubliant au passage que ce n’est pas l’échelle et les moyens pyrotechniques qui ont fait de Die Hard son succès : outre l’action bien foutue, ce sont évidemment les personnages bien écrits qui sont la clef de voute de la saga (les personnages de Timothy Oliphant et de Maggie Q étant là pour justement montrer que Wiseman n’a rien compris). Il restait alors quelques scènes d’action potables, le charme de Mary Elizabeth Winstead et quelques codes repris. Le film se suit au final sans déplaisir mais reste le plus faible réalisé jusque là.
Jusque là. Car la Fox, voulant manifester prolonger une franchise trop juteuse à l’infini, a décidé de mettre en route un 5e volet. Et après le refus de Fred Cavayé de s’y coller (peut-être est-ce la lecture du script de Skip Woods qui l’a découragé), c’est John Moore qui s’est mis à la tâche. Le réalisateur avait déjà commis Max Payne, offrant à Mark Walhberg l’un de ses pires rôles.
Aujourd’hui Moore va plus loin et achève le cadavre de John McClane à grands coups de talon dans la gueule, faisant de ce cinquième volet le pire de la saga mais aussi un des plus mauvais films d’action jamais réalisé ses dernières années.
Moore et Woods n’ont rien compris à la franchise et n’ont sans doute jamais visionné les films de John McTiernan. Sans son titre et la présence de Bruce Willis, le film aurait été un blockbuster d’action lambda tant aucun des codes cités plus haut n’est repris. Un blockbuster qui ne serait d’ailleurs sans doute pas sorti en salles.
Exit le « mauvais endroit au mauvais moment », John McClane part de son plein gré en Russie à la recherche de son fils et se retrouve mêlé à une histoire impliquant une bande de méchants. Exit la menace terroriste d’envergure, il y a trois scènes d’action continues au milieu de Moscovites qui n’en ont rien à foutre, une sombre histoire de témoin que la CIA veut extrader en échange de preuves. Ce n’est donc pas là que McClane aura un échange téléphonique amusant avec un méchant, pas même un vrai face à face d’ailleurs.
L’histoire, linéaire et prévisible à souhait, n’est qu’une succession de scènes se voulant spectaculaires avec dans l’ordre une poursuite sur le périph de la capitale russe, une fuite et une fusillade et un acte final dans une usine abandonnée. C’est absolument tout. Alors, oui, John Moore fait tout péter. Des dizaines de voitures sont détruites, plein de gens meurent gratos et des hélicoptères font de gros dégats. Mais tout faire exploser tout le temps ne fait pas un film d’action réussi.
Le pire, c’est qu’au delà du fait que Moore se torche avec une célèbre franchise pour en faire n’importe quoi, le film en lui-même est mauvais. Il aurait porté un autre titre et le héros ne se serait pas appelé McClane qu’il aurait été tout autant raté. On pensait, on espérait que depuis l’échec Max Payne, le metteur en scène ait bouquiné « la réalisation pour les nuls » mais non, il ne sait toujours pas filmer une scène d’action, ni la faire monter correctement. On parvient donc à s’ennuyer mais à être également complétement paumé.
La première scène « impressionnante », la fameuse poursuite où beaucoup de tôle est froissée, semble n’avoir aucune logique ni aucun repère géographique. Pourquoi roule-t-ils dans un sens d’abord puis dans un autre ? Pourquoi le héros se retrouve soudainement au dessus d’un pont alors qu’on ne l’a pas vu y monter ? Tout le film est comme ça et c’est assez hallucinant : on s’emmerde devant de l’action.
Le bonhomme est tellement doué qu’il en oublie même de demander à ses équipes de quitter le plateau. Vous ne manquerez donc pas de capter à plusieurs reprises un technicien dans le reflet d’un vitre.
On passera rapidement sur le scénario écrit à l’arrache par Skip Woods. L’homme avait déjà commis le premier Wolverine et semble habitué à des scénarios qui se font ensuite charcuter au montage. Son histoire est d’une banalité affligeante, vue mille fois ailleurs, mais lui aussi permet de paumer le spectateur, ne cherchant pas à expliquer qui est qui et qui fait quoi. Après tout, le spectateur est un être idiot qui vient voir des explosions. Pourquoi se casser la tête à avoir un scénario si ce n’est juste pour changer de décors au profit des cascades ?
Qui plus est, le film a donc été manifestement plusieurs fois remonté puisque plusieurs scènes présentes dans la bande annonce ne sont pas entièrement présentes. On pense notamment à la fameuse de la motarde sexy se déshabillant dont la séquence n’est finalement que partielle, mais n’avait aucun autre intérêt que de montrer un soutien gorge dans les premières dix minutes de l’histoire.
Enfin, tout cela aurait pu être sauvé par Bruce Willis. Mais le comédien n’est pas plus impliqué que ces petits camarades. Entre les cascadeurs qui prennent sa place et les moches doublures numériques, il ne fait qu’appliquer ce que McClane répète pendant tout le film : il est là en vacances. L’acteur n’a pas du passer plus de deux ou trois jours sur le tournage tant son rôle est réduit au minimum syndical pour justifier l’appellation Die Hard.
Au final, non seulement John Moore livre un blockbuster sans aucun intérêt ne méritant même pas de finir dans un vrai cinéma et à peine au rayon des DVD, mais en plus il tue la franchise Die Hard insultant le travail de John McTiernan, Renny Harlin et même Len Wiseman dont le Retour en Enfer est soudainement revu à la hausse. Et il se permet de ruiner l’adolescence de ceux ayant grandi avec Piège de Cristal et ses suites et de cracher sur les fans d’une franchise qui ne méritait pas une telle injure.