Être un peu tatillon sur les scénarios est un grand problème quand on est fans de films à voyages dans le temps. Heureusement, pas besoin d'être trop tatillon pour trouver ce film décevant avec un tel potentiel dans l'histoire (et dans la fin !). Avis au lecteur, cette critique risque d'être sur le même ton que le film : épuisante.
Reprenons depuis le début. Notre héros est un enfant, un miracle pour sa mère qui en a perdu 3 avant lui. Il a un père dans un hôpital psychiatrique. Il est très content de ses copains : un asthmatique, une fille et son frère turbulent. Il aime la fille, leur connexion est frappante (pas vraiment) et son papa est un ange (non plus). Mais alors pourquoi est-elle restée avec son papa et pas sa maman ? A cause du héros, diantre ! Et à 4 ans tu décides ça ? OK. Cela n'aura de toutes façons probablement aucun impact majeur sur le scénario. Alors les gamins vont jouer avec de la dynamite dans un jardin, black-out, mort probable d'un personnage hors-champs à cause du héros, cinéma, bisou, croche-pied, coup de bâton dans le nez, chien qui brûle olalalalalala... C'est loooong. Et c'est juste l'exposition ! A quel moment le héros va-t-il éprouver des émotions ? On le voit tout le temps se perdre dans sa propre tête et dans le scénario comme je me perds dans ma critique et jamais il ne prend corps, il court après l'histoire, et nous on court après lui ! Enfin bref, il découvre qu'il a le pouvoir de changer le passé en revenant dans ses moments de black-out (mais c'est compliqué parce que les règles changent un peu à chaque fois), il découvre également qu'il est à l'origine de tous les malheurs de tout le monde, même des siens, alors il disparaît de lui-même puisqu'en effet, il n'a probablement aucun souvenir du moment où il était dans le ventre de sa mère.
En entrée, voici le premier problème : les personnages souffrent, et on s'en fout. Les traumatismes sont dépeints dans ce film d'une manière très inconsistante, et qui va malheureusement de paire avec le concept de l'effet papillon. Déjà il y en a trop. Un papa fou (et qui tente de tuer son fils), un autre pédophile, une femme et son bébé explosés, le chien brûlé... Le quartier a l'air calme pourtant, mais il fallait que ces gosses subissent toutes les merdes possibles alors qu'une seule peut suffire à te rendre dingue. Ensuite les personnages sont soit apathiques, soit super méga joyeux. On ne prend pas le temps de savourer leurs états psychiques, ils sont monolithiques, mais sur plusieurs timeline, et non ça ne compte pas comme éprouver plusieurs émotions.
Si on parle des personnages, et de la toile de fond que sont les secondaires, il devient logique de se tourner vers Evan, le personnage principal, pour trouver une ancre émotionnelle. Pardon ? Son destin est de devenir fou et il n'a pas vraiment de profondeur puisqu'il s'efface derrière le scénario ? Mince et moi qui espérait le voir sauver les incohérences des voyages temporels... c'est râpé. Plus précisément, on n'en sait pas assez sur lui, ses objectifs et ses motivations, pour l'aimer. Déjà, il n'a de cesse de perdre la mémoire, pas facile pour en apprendre plus sur lui, et ensuite il dit lui-même qu'il ne sait pas qui il est... Moi je crois savoir qui il est : c'est une éponge sans charisme. Un MrNobody figé dans son enfance (d'ailleurs peut-être que tout se passe dans la tête du bébé :o).
On en arrive à la partie juteuse, la pièce de résistance : les incohérences scénaristiques ! Mouahahahah c'est avec plaisir que je vais en énumérer tout en ayant conscience qu'il est possible de les oublier mais en soulignant tout de même qu'elle sont inutiles, et ne rendent l'histoire que plus faible encore. Par exemple, lorsqu'il est petit la première fois que les événements se produisent, on comprend implicitement qu'ils se produisent comme si son "lui enfant" les avait vécus (notamment par la scène dans le sous-sol). Alors pourquoi son père l'attaque et l'étouffe comme lorsqu'il se possède lui-même lors de la première visite ? Qu'a-t-il pu lui dire ? De la même manière, pourquoi a-t-il pris le couteau dans la cuisine, ou dessiné cet affreux dessin, alors qu'il n'a pas percé ses mains ? Ah c'est difficile d'influencer le début d'un script par sa fin... en général ça finit mal. Un autre souci, et c'est le dernier je promets, vient de cette même scène avec le dessin. Il veut prouver à son pote de prison que c'est Jésus qui l'envoie. Alors il remonte dans le passé, fait le dessin et se perce les mains ! Mais, déjà, quelle idée de laisser ces objets à portée des enfants ?! Et ensuite, c'est censé changer le futur ! La dernière fois tout le futur avait changé, et c'est même le titre du film : l'effet papillon. Alors pourquoi le gars voit ses cicatrices apparaître ?..
Il y a quelque chose que je trouvais étrange avec le film dès le début, mais je n'arrivais pas à mettre le doigt dessus. Maintenant que j'y pense avec plus de recul, j'ai l'impression que tout le film ressemble à un flash back. Seul ce qui est essentiel à la "cohérence" est montré, mais cela rend le tout creux. D'autant plus que si la scène dans la fratrie était censée nous montrer le héros changer, ça ne l'a rendu que moins identifiable, tout en faisant une étrange pause dans l'histoire. La réalisation n'aide d'ailleurs pas, et les couleurs très désaturées donnent un côté grave dont on pourrait se passer.
La fin vient comme un sauvetage : alors qu'il commence à apprendre à se servir mieux de son pouvoir, Evan se tue pour sauver tout le monde. Voilà. On se sent mieux hein ? Tout le monde est heureux, et ce personnage dont on ne savait quoi faire n'est plus. C'est là qu'il aurait été encore plus intéressant de créer un personnage fort ! Sa disparition aurait pu faire monter des larmes, mais non. Il fallait qu'elle soit parfaite, cette fin, que ce soit la meilleure solution possible. Parce que la vie est un problème auquel il faut trouver la solution... Super morale.
Devant des personnages fuyants, il faut essayer de les faire courir à travers un parcours passionnant pour divertir le spectateur, malheureusement le parcours est lui aussi fuyant dans ce cas. A trop vouloir faire passer ce film pour un chef-d'œuvre à énigme, cérébral et bien pensé, il manque une substance qui donnerait du goût à l'histoire, et c'est bien dommage, parce que quitte à manger le script, autant qu'il soit parfumé.