Cela peut paraître inimaginable aujourd'hui mais fût un temps où George Lucas faisait encore preuve d'une certaine modestie et avait conscience de ses limites artistiques. Epuisé par le tournage du premier volet, le créateur de la mythique saga n'hésita pas à s'entourer de noms talentueux aptes à donner vie bien mieux que lui à ses propres rêves, confiant le scénario de son bébé au duo Lawrence Kasdan / Leigh Bracket et la mise en scène à Irvin Kershner pour ce que la grande majorité des fans considère comme le meilleur épisode de la série.
Dès les premières images nous laissant nous dépatouiller en plein enfer blanc, "L'empire contre-attaque" semble nous dire que le temps des joyeux délires spatiaux super cool dans le désert est bel et bien révolu, et que désormais les choses sérieuses commencent. Plus sombre et plus complexe, ce second volet pousse son concept à son paroxysme, développe les idées précédemment esquissées et nous pousse tête la première dans l'aventure avec un grand A.
Faisant le choix déroutant mais courageux de séparer ses héros passée la première demie heure, "L'empire contre-attaque" les plonge en pleine tourmente, les confronte à leurs peurs et à leurs propres limites, bouleverse leurs certitudes (et par extension celles du spectateur) jusqu'à une révélation finale tombant comme un couperet. Les scénaristes creusent les protagonistes déjà connu, leur insufflant une véritable humanité (Han Solo gagne en profondeur; Darth Vader, adepte du "je bute mes propres soldats et je m'en bats les steaks", est plus terrifiant que jamais...) tout en dévoilant des nouvelles figures amenées à devenir cultes, à l'image d'un Maître Yoda au physique de vieux sage japonais et d'un Bobba Fett dont la mystérieuse identité enflammera l'imagination des fans, créant ainsi toute une mythologie alternative.
Maîtrisé de bout en bout par Kershner et ses scénaristes, bénéficiant d'un travail exemplaire sur les effets visuels et de la partition d'un John Williams en grande forme, "L'empire contre-attaque" c'est tout simplement "La guerre des étoiles" puissance mille, c'est le divertissement familial dans tout ce qu'il a de plus noble, c'est une épopée shakespearienne épique et furieusement romantique, certes sombre mais qui n'oublie jamais de nous faire rire et rêver, s'achevant sur un cliffhanger absolument ahurissant.
Le hurlement désespéré de Chewie devant le sas qui se referme sur le sort incertain de son compagnon, l'apparition des titanesques AT-AT par le biais des jumelles d'un général, la grotte qui n'est pas vraiment une grotte, la moustache flamboyante de Lando Calrissian, le "I know" prononcé par Solo avant d'être cryogénisé, la main tendu de Vader et celle, tranché nette, de Luke Skywalker... Autant d'images inoubliables pour un gosse de six ans luttant contre le sommeil devant la vieille télé déglinguée du salon et qui pourra enfin laisser le marchand de sable le happer après un spectacle incroyable de plus de deux heures, le laissant voguer à travers l'espace et le temps, en vitesse lumière bien entendu.