Contextualisons un peu : 1976, Japon, Koji Wakamatsu, fer de lance du pinku eiga ainsi qu'ami d'Oshima, et producteur du film dont on parle, a déjà réalisé un certain nombre de chefs-d’œuvres, entre temps on est en plein âge d'or du cinéma érotique des grands studios, à commencer par les Roman Porno de la Nikkatsu. Mais ça reste le Japon donc scènes sexuelles inventives, violentes et tout ça c'est ok, mais chinko et manko doivent être cachés, rayés de la pellicule ou ce que tu veux tant qu'on ne les vois pas !
Il faut bien comprendre que si ce film est visible tel qu'il est, c'est uniquement parce qu'Oshima a eu la bonne idée de le coproduire avec la France, il aurait pu faire exactement le même film sans ça, à condition de ne pas montrer les engins. Et c'est bien là qu'il se démarque de ce dont je parlait plus haut, le pinku, et surtout le Roman Porno, n'avaient la plupart du temps pas vraiment de soucis avec ce point, car tant que cette censure là était respectée le contenu politique ou artistique de l’œuvre n'avait pas a être inquiété, que ce soit pas les autorités ou par les studios.
L'objectif d'Oshima est donc avec L'empire de sens véritablement lié à la représentation du sexe, non pas en tant qu'acte mais en tant qu'organe.
Ainsi pour le spectateur d'alors comme pour celui d'aujourd'hui la représentation sexuelle reste ce qui marque le plus de ce visionnage, alors même que ce n'est pas forcément ce qu'il y a de plus choquant. Ce serait plutôt cet érotisme absolu, cette folie dans laquelle ils s'emmêlent l'un l'autre toujours plus profondément, cette histoire d'amour extrême, totale, finissant dans une tendre violence, dénuée de haine.
Car la haine, si on ne la montre pas, est aussi présente que l'amour, dans le regard des autres sur ce couple mais surtout dans l'air ambiant de ce Japon militariste, impérialiste et belliqueux. Peut-être est-ce là ce que veut démontrer Oshima, on hurle au scandale en les voyant se perdre dans un érotisme extrême montré sans cache-pot mais ne remarquons pas ce qui les y mène : la fuite d'un monde aussi horrible et brutal qu'il n'est dénué de sens.