Mais bon Dieu que fait ce film dans les années 70 ?


Alors oui, certains diront que le Ciné des années '70 est celui de la maturité etc etc...
Pourtant, nous, pauvres cinéphiles perdus dans les limbes des années 2010, on est en droit d'écarquiller les yeux devant le film de Oshima et de sa modernité culturelle ou de sa largesse d'esprit. Pris en sandwich depuis deux décennies, le ciné actuel et ses auteurs les plus radicaux flirtent avec la censure. Des querelles de chapelle afin de savoir quel shot de verge apparaîtra (ou pas) dans le cut final. La modernité voudrait que les oeuvres "dites" traditionnelles instaurent un plan pornographique afin d'exprimer une idée au nom du lard. De Pola X aux Idiots en passant par le futur Love de Noé ou encore Benoit Jacquot et Vincent Gallo , chacun y va de sa performance sexuelle. L'idée même de changer le regard du spectateur à l'aide de ce dispositif permet de constater que finalement l'écart entre une oeuvre pornographique et le ciné traditionnel est mince. Pourtant, il reste du chemin à faire et ce n'est pas demain que Julia Roberts s'essaiera à" la brouette de Zanzibar" et quelque part c'est tant mieux !


La vision en 2015 de L'Empire des sens va complètement chamboulée nos petites têtes. Un cinéma respectueux de son genre et de son art s'octroie des scènes de sexe intimes mais pleinement graphiques. La force de frappe de Oshima est unique. La démonstration et l'aisance à filmer ces scènes sans forcer le talent envoie ad patres tout ce que Cannes étale chaque année en matière de provoc'. Et si le film ultime conciliant l'art et le cul n'avait pas déjà été fait ? Quelles seraient la tête des festivaliers de 2015 face à une oeuvre aussi définitive en matière de chair corporelle et de pellicule argentique. La censure se verrait-elle grimper au rideau devant cette tête de gondole de fesses et de kimonos ? OUI, la légende de L'empire des sens est gravée dans le marbre fort de ses excès de sexe mêlés à la bouffe. De ses plans furtifs de verges turgescentes, la bande son se gorge de soupirs et de râles. Les fluides se déversent et l'objectif est atteint.


Cela en fait-il pour autant un bon film ou seulement un objet de curiosité ?
Les deux mon capitaine car il manque au spectateur ce grain de sable qui va enrayer la machine. Cette démonstration de force et de beauté tournent à vide à l'image de scènes répétitives et trop démonstratives. La destruction du couple via des coïts épuisants pour finir en relation sado-maso semble implacable. Renforcer par l'accumulation de scènes intérieures, l'étouffement du spectateur et du personnage principal (le jeu du foulard trouve ici son éventuelle origine) est une conclusion somme toute assez logique. La séparation des deux parties au sens propre acheve de représenter la douleur physique et morale. C'est maintenant que le métrage en est à son stade terminale. Le spectateur, quant à lui, choqué par la gorissime scène finale régurgite son trop plein de sexe sur fond de voix off. Eros s'évanouie pour laisser la place à Thanatos. La chute est rude. La chair est triste.

Star-Lord09
6
Écrit par

Créée

le 4 juin 2015

Critique lue 2K fois

34 j'aime

32 commentaires

Critique lue 2K fois

34
32

D'autres avis sur L'Empire des sens

L'Empire des sens
Grard-Rocher
8

Critique de L'Empire des sens par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Critique remaniée le 12 octobre 2021. C'est en 1936 à Tokyo qu'une ancienne et jolie geisha, Sada, officie comme serveuse de restaurant dans un établissement des beaux quartiers de la capitale. Entre...

44 j'aime

9

L'Empire des sens
Star-Lord09
6

Le Cinéma ne pense qu'à ça !

Mais bon Dieu que fait ce film dans les années 70 ? Alors oui, certains diront que le Ciné des années '70 est celui de la maturité etc etc... Pourtant, nous, pauvres cinéphiles perdus dans les...

34 j'aime

32

L'Empire des sens
Deleuze
6

De bien étranges trophées...

"L'Empire des sens" est l'œuvre du bizarre. Très peu enthousiasmé avant le visionnage à cause de la réputation quasi "pornographique" (tendance aux gros plans intimes) dont on m'avait fait part,...

le 17 avr. 2013

34 j'aime

8

Du même critique

Midnight Special
Star-Lord09
7

ALTON EST LE FILS DE KRYPTON

C'est un critique malheureux qui prend la plume. Malheureux parce que l'orgasme filmique amorcé ne s'est pas produit. Malheureux parce que la promesse de caresser une époque révolue (celle des prods...

le 16 mars 2016

147 j'aime

87

Knight of Cups
Star-Lord09
8

DES DIEUX PARMI LES HOMMES.

Du plus haut des cieux avec "Tree of life" jusqu'au plus profond de l'âme humaine avec "To the wonder", voici venir l'entre-deux "Knight of cups" oeuvre du démiurge Malick. Si la palme d'or de 2011...

le 13 oct. 2015

116 j'aime

49

Youth
Star-Lord09
7

UN COUP D'OEIL DANS LE RETRO.

Youth est un boomerang qui, mal lancé, reviendrait dans la truffe du critique malin d'avoir découvert toutes les thématiques évidentes du dernier Sorrentino. A savoir la sagesse, le recul et surtout...

le 12 sept. 2015

101 j'aime

26