Youth est un boomerang qui, mal lancé, reviendrait dans la truffe du critique malin d'avoir découvert toutes les thématiques évidentes du dernier Sorrentino. A savoir la sagesse, le recul et surtout les affres du temps qui passe. Ici, deux octogénaires en repos dans un luxueux hôtel des Alpes échangent sur leur vie passée avec pour horloge biologique leurs prostates. Un coup d'oeil dans le rétro pour les deux protagonistes et l'occasion pour le réalisateur transalpin d'appuyer les thèmes abordés dans le superbe "La grande Bellezza", le chef d'œuvre présenté à Cannes il y a quelques années.
Le piège à loup s'est donc refermé sur la critique mettant en avant l'éternelle vie fugace et ce qu'on en fait. Youth est bien cela à n'en pas douter. Pourtant, exclure ce qui fait l'intérêt du métrage au profit d'un énième papier d'un scribouillard peu consciencieux serait se couper d'une (fausse) Palme plus qualitative que la quantitative sélection française. Sorrentino mit malgré lui au coeur de cette compet' (sur la Croisette) France - Italie accouche pourtant d'un film fortement "griffé" symboliquement. A tel point que les piscines de l'hôtel constamment filmées apparaissent comme un bassin amniotique accueillant les corps fripés mais également les nymphes sortant à peine de l'adolescence rappelant que c'est bien d'un ventre que nous naissons. Ou encore à l'image de Rachel Weisz, tout en brasse, lavant sa vie passée d'une liaison fragile.
Ce séjour restera pour les personnages le point de rupture des couples et le passage d'un état à un autre avec pour moteur LA FEMME. De ce constat, Youth va délicatement s'ouvrir afin de révéler son coeur. Ode au corps sublime (c'est Dieu rétorque Keitel lorsque Miss Univers entre dans la piscine) habile sophiste ou victime, la femme va constituer l'élément déterminant qui en fera la réelle richesse du film. A tel point que la structure narrative sera morcelée en autant de pièces de puzzle dont chaque rôle féminin y jouera un rôle étonnant. Quelques apartés croustillants font la part belle à des femmes d'âges différents dans des postures les rendant souveraines déstabilisant leurs moitiés à l'aide de répliques bien dosées, de gifles claquantes ou de massages érotiques. Le souvenir même d'un flirt passé peut provoquer quelques saillies drôlatiques entre deux amis se connaissant depuis 60 ans.
Sorrentino l'a bien compris, lorsque une femme tient un homme par les gonades, elle peut l'envoyer sur Pluton ou bien lui faire appeler sa maman comme un gamin. Jamais vulgaire même lorsqu'il évoque la prostitution d'une pauvrette perdue dans l'immensité des couloirs froids et luxueux, le réalisateur tend la main au beau sexe dont les débordements amoureux n'ont d'égales que la vie dont il croque chaque instant à pleine dent. Le septième Art a trouvé son épicurien...