Un film tout bonnement extraordinaire ! Extraordinaire, et bouleversant.
Sorti en 1961, soit un an avant l'Eclipse, Il Posto m'a beaucoup rappelé le film d'Antonioni, dans sa forme principalement ; en effet, tout est très calme, silencieux, froid, et peu dialogué.
Mais le film d'Antonioni a une portée plus métaphysique.
Là, c'est un film relativement triste. Ca m’a beaucoup rappelé aussi Le Manteau dans son absurdité, sauf que c’est bien meilleur que le Manteau, qui était un bon film, mais qui a pris un sacré coup de vieux et qui n'atteint ni la beauté, ni la finesse du film d'Olmi. Oui, c’est un film sur l’entrée d’un jeune homme dans le monde du travail, un monde répugnant, un monde où les gens sont incapables de communiquer entre eux, où il existe une véritable barrière entre les êtres, un monde borné et difficile, et ce monde est bien retranscrit par Ermanno Olmi. La prestation du jeune acteur est époustouflante, il dit tout par le regard, et dieu sait que j’aime ça, c'est très fort.
Par ailleurs, son histoire amoureuse est cruelle de vérité et de beauté ; ces moments d’apaisements et de joie qu’il ressent au simple fait d’être avec cette femme, Olmi capte du vrai ici, il rend ces scènes là magnifiques, d’une pureté extraordinaire et sublime son actrice, son sourire notamment, sa fraîcheur, cette femme est décalée par rapport aux autres employés, cette femme est belle, et elle est belle parce que c’est Olmi qui la filme, c’est comme lorsque Kechiche filme Hafsia Herzi, que Visconti filme Cardinale, ou que Kieslowski filme Irène Jacob.
Cette femme arrive à lui procurer du bonheur, lui, si mal à l’aise dans ce monde si absurde, égoïste et individualiste, comme en témoigne cette magnifique scène où il rentre chez lui, tout gai, en chantant presque pulsionnellement, c’est très beau, ça lui apporte une forme d’espoir et de bien-être ; mais l’amour est souvent dur et tragique, leurs destins s’éloignent, et le mal-être revient dans ce monde où il n’a pas le sentiment d’être à sa place.
On méprise un peu tous ces travailleurs, mais en même temps, leur aliénation fait aussi un peu de peine parfois. Lorsque les « anciens » se battent pour récupérer le bureau du premier rang je trouve ça un peu triste, on en est arrivé là quoi. Ca m’a rappelé une scène dans La Loi du marché, où Lindon se bat pour une petite somme d’argent avec un gars quant à la location de leur bungalow je crois…. C’est triste.
J’aime beaucoup cette fin, où il bascule dans l’ivresse, il se lie à tous ces moutons, il fait finalement comme la masse, il rentre finalement dans ce monde si abject, mais un monde finalement presque « nécessaire, c’est triste et c’est un regard pessimiste que pose Olmi finalement sur la condition de l’homme, et sur le travail en général, son absurdité, sur l’aliénation du travail aussi (et en cela, c'est un peu Marxiste sur les bords).
En tout cas, sacrée mise en scène d’Ermanno Olmi, dés les premières scènes du film j’étais subjugué, transcendé, il s’en dégage une puissance phénoménale et, comme je l’ai dit, cette mise en scène se rapproche un peu de la mise en scène d’Antonioni je trouve.
Puis, quel regard mélancolique il a ce Domenico !
Ce film n’a absolument pas pris une ride, au contraire il est fichtrement d’actualité.