L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot, c’est l’histoire de l’enfer d’Henri-Georges Clouzot.
Ces ténèbres dont il est question dans ce film, sont en premier lieu la matrice à travers laquelle le réalisateur projette son talent. Clouzot souhaite se démarquer des avancées de la nouvelle vague, inventer quelque chose de nouveau encore. Pour cela, il s’appuie essentiellement sur un travail plastique et sur les recherches portant sur le traitement du son et de l’image. Inspiré par une exposition portant sur l’art cinétique du musée des Arts Décoratifs de Paris – dont certains plans du film original proviennent –, il va s’entourer de techniciens à qui il demande de travailler le son et surtout l’image de toutes les façons possibles.
Le résultat, ce sont des plans et des plans d’une plastique incroyable dans laquelle je souhaite à chacun de s’immerger. C’est beau, on jongle entre le noir et blanc et la couleur, entre psychédélique et une photographie jouant habilement avec les ombres qui rappelle parfois Henri Cartier-Bresson.
Son enfer, c’est aussi son souci du détail, pour le dire avec modération, qui le guide et qu’il veut transmettre à la centaine d’âmes qui travaillent sur ce projet. Il perçoit des variations là où d’autres voient la même chose. Ses images ne transpirent pas pour autant le perfectionnisme comme dans un film de Wes Anderson, si bien que l’on se noie dans ces plans sans percevoir les heures de travail qu’elles ont nécessité.
Son insatisfaction permanente épuise l’équipe physiquement et moralement. Comme si une incompréhension commençait à s’installer, érigeant une barrière entre lui et les autres. En particulier avec Serge Reggiani qui joue le rôle de Marcel, le mari jaloux des relations qu’entretien sa femme Odette (Romy Schneider) avec le garagiste du village. L’un des premiers assistants finit par quitter le tournage soudainement, avant d’être imité par Reggiani. Il épuise les autres, mais s’épuise aussi lui-même. L’enfer prend fin après qu’un infarctus au cours du tournage lance à Clouzot la vérité à laquelle il ne peut pas consentir.
Avant d’être ce film qui n’a jamais vu le jour, l’Enfer c’est surtout l’histoire de son tournage. Un tournage qui a permis à HGC de créer de fabuleuses images, mais qui l’ont comme hypnotisé pour finalement le rendre fou. Dans le fond, ce film nous dépeint le pharmakon que resprésente le cinéma pour HGC : tantôt remède, tantôt poison.