Tous les ingrédients du film noir en couleur sont là : le privé (un peu malgré lui, puisqu'il est publiciste à la base) qui tombe sur un macchabée en introduction, une enquête qui se déploie en l'occurrence aux quatre coins de l'Europe (France, Suisse, Suède, Autriche), et des révélations en pagaille au creux d'un scénario d'espionnage (adapté d'une série TV à succès). Mais tout le charisme de Robert Mitchum ne suffira pas à sortir ce policier de sa torpeur et de sa maladresse, pétrifié dans son Eastmancolor un peu baveux et clairement un peu trop en avance par rapport à la maturité du procédé technique.
Car cet "Énigmatique Monsieur D" aka Foreign Intrigue peine à susciter un quelconque intérêt et rame terriblement pour tisser quelque chose de conséquent à partir de sa pelote de fils mal assortis. La toile du mystère ne parviendra jamais à s'étoffer de manière convenable, c'est juste bordélique et dénué d'enjeu perspicace. Pourtant la recette pas mal de matière première, avec le contexte de la guerre froide, des dernières paroles prononcées par un milliardaire, le mystérieux passé d'un employeur qui se révèle être un maître-chanteur, et une longue enquête à travers différents pays et engageant différents interlocuteurs. Mais rien n'y fait, ça ne décolle jamais, que ce soit du côté de la gent féminine mobilisée pour l'occasion (une femme fatale du côté des méchants et une suédoise pour la love story teintée de mensonges) ou du côté des services secrets issus d'une myriade de nationalités.
L'histoire d'un espion malgré lui, en somme, mais qui ne mène nulle-part, qui ne trouvera jamais son rythme, et qui ne bénéficiera pas d'un électrochoc salvateur au moment des révélations — son ancien patron ayant été mêlé à du chantage de collabos pendant la Seconde Guerre mondiale. Mitchum ne parvient à briller ni dans la dimension d'espionnage, ni dans celle du romantisme. Les tentatives en termes d'ambiance, notamment pour le final nocturne à Vienne, sentent le toc et le danger en carton.