Jamais homme ne se sera autant approché de Dieu

À une époque où l'environnement terrestre contenait encore nombre de mystères pour l'Homme, une équipe d'alpinistes anglais tentent l'escalade du Mont Everest - Chomolungma, déesse mère selon les tibétains. Par chance, Noel part en expédition avec une caméra et quelques objectifs surpuissants et va coucher sur pellicule une des plus incroyables expéditions humaines jamais réalisées.

Le Mont Everest est un lieu d'une beauté saisissante, qui n'avait encore jamais été foulé de l'empreinte de l'homme, et encore moins photographié. On découvre ainsi vallées enneigées arides, forêts de glace et châteaux construits à même la montagne, de véritables monuments de simplicité et de dénuement. À de telles hauteurs, la lumière défie l'imagination humaine et prend des formes incroyables. Les ombres engloutissent les cimes tandis que la neige est tellement brillante qu'un des alpinistes finira atteint de cécité. Mais c'est bien le Mont même qui est la véritable star de ce documentaire. On le voit tonnant, agressif, indomptable, fumant inlassablement des nuages. Ses reliefs sont aussi magnifiques que dangereux. Sur place, une simple chute pourrait se conclure par une dégringolade de centaines de mètres, sinon des milliers.

En plus d'être un exploit sportif, la conquête du Mont Everest est aussi un exploit technique. Tout d'abord, l'équipe d'alpinistes a dû préparer son escalade des mois à l'avance, baliser un chemin sur des centaines de kilomètres, mobiliser des dizaines de sherpas et de yaks afin que ceux-ci leur viennent en aide. D'ailleurs, le début du documentaire se la joue ethnologue et laisse apercevoir quelques villages de sherpas. L'occasion de découvrir de bien curieuses traditions (notamment un village dont les habitants ne se lavent jamais), en dépit de quelques commentaires paternalistes (un groupe de musiciens est directement considéré comme étant de nature inférieure aux divins musiciens occidentaux).
En plus de l'improbable mobilisation de vivres, c'est dans la photographie du Mont Everest que les alpinistes vont repousser un nouveau cap. Car non content d'enfin le fouler du pied, les Anglais vont lui retirer ses secrets et les diffuser dans le monde entier. Un cartographe est même présent afin de découvrir ses moindres sentiers et reliefs. Noel, armé de sa caméra, va de son côté filmer le Mont sous tous les angles. Mais même si celui-ci voit ses mystiques secrets violés, ce n'est pas pour autant que son nom va être sali. Au contraire, Noel va le sanctifier à sa manière. Tout d'abord par le biais d'une photographie hors normes au vu des conditions, qui va rendre honneur aux pentes enneigées percées de noires roches, à la silhouette de la montagne se découpant dans le ciel, à la glace brillante et mystique. Il va également faire usage de nombreux filtres de couleur afin de donner vie au caractère avec lequel le Mont Everest accablait ses envahisseurs. Bleu le matin, lorsque l'imposant silence et les pentes immaculées vont émouvoir nos aventuriers, rouge quand le drame se profile au loin. L'air particulièrement pur des hauteurs sera également l'occasion de filmer les alpinistes à plusieurs kilomètres de distance, grâce à des objectifs surpuissants, repoussant alors tous les records enregistrés à cette époque.

Le 8 Juin 1924, Mallory et Irvine, deux membres de l'expédition partent en solitaire à 8h du matin, aidés de masques à gaz, sur les dernières centaines de mètres qui manquent à l'expédition pour conquérir le Mont Everest par la face Nord-Est. Malheureusement, ils seront pris de surprise par la brume, les vents et les nuages. Lorsque la météo s'éclaircit, ils ont disparu, emportant avec eux le secret de la réussite, ou non, de leur conquête du Mont Everest. Après des recherches effectuées en vain, ils sont abandonnés dans leur tombe de glace. La montagne ne sera pas conquise ce jour-là.

Il faudra attendre le vendredi 29 Mai 1953 pour que Edmund Hillary et Tenzing Norgay vainquent le Mont Everest. Mais le souvenir de Mallory et Irvine reste encore tenace, et les rumeurs sur leur réussite ont bon vent. Leur expédition passionne encore aujourd'hui et de nombreux alpinistes tenteront de prendre le Mont dans les mêmes conditions, et personne n'y arrivera avant l'Espagnol Òscar Cadiach le 28 Août 1985. Bien que lui eût une connaissance de la topographie des lieux à l'avance. Dans la culture populaire, l'expédition de Mallory et Irvine sert par ailleurs de base à l'intrigue du manga le Sommet des Dieux, de Jirô Taniguchi.

The Epic of Everest est donc à la fois un hommage touchant aux deux compagnons tragiquement décédés de J.B.L Noel, mais aussi un film témoin d'un évènement tout aussi fascinant qu'important. Un rare document d'une expédition folle et dangereuse, par des passionnés brûlants de vaincre les glaces éternelles du Mont Everest. Un incroyable documentaire en somme.