Dans la série duo marquant connu (hélas) des seuls cinéphiles, la paire Gene Hackman/Al Pacino fait aisément office d'exemple, figure inoubliable du cinéma étatsunien des seventies en échos avec celui des vagabonds mythifié par le cinéma muet d'un Chaplin... et "accessoirement" film qui fut récompensé en 1973 par le Grand Prix au Festival de Cannes: L'épouvantail de Jerry Schatzberg.

Max Milian (Gene Hackman) sort tout juste du pénitencier de San Quentin, et n'a désormais qu'un seul souhait, quitter la Californie et joindre Pittsburgh pour y récupérer son argent et y créer une entreprise de lavages de voitures. Un personnage au caractère bien trempé (obtus?), bagarreur et (sans transition aucune) aussi frileux qu'une jouvencelle (Max a en effet la particularité de porter plusieurs couches de vêtements/haillons sur lui). En faisant la rencontre de Francis Lionel Delbuchi (Al Pacino), jeune homme immature, ancien marin, et père d'un enfant qu'il ne connait pas, Max va très rapidement se lier d'amitié avec cet inconnu qu'il baptisera désormais Lion. Une paire improbable au physique dissemblable mais où la philosophie de la vie de Lion va peu à peu transformer et humaniser l'ours mal léché qu'est Max: la fonction de l'épouvantail n'est pas de faire peur aux oiseaux mais de les amuser. De ce constat, Lion use du rire pour se sortir des situations délicates contrairement à Max qui use de ses poings... Mais avant de rejoindre l'ancienne capitale de la sidérurgie, les comparses devenus entre temps partenaires font deux crochets, l'un à Denver pour y voir la sœur de Max et l'autre à Detroit, Lion souhaite revoir son ancienne amie et rencontrer enfin son enfant dont il ignore même le sexe. Deux détours aux fortunes diverses, une ruée vers l'Est, vers une hypothétique vie meilleure.

Sur un scénario original de Gerry Michael White, Schatzberg propose une variation alternative du rêve américain. Un road movie vers l'Est dont les deux héros en marge de la société rappellent ceux de John Schlesinger, Macadam Cowboy (1969). Et si la photographie de Vilmos Zsigmond attire immédiatement la rétine, la performance des deux acteurs principaux, aux styles diamétralement opposés à l'instar de leur personnage, captive encore quarante ans après. On notera également la présence de l'inquiétant Richard Lynch dans l'un de ses premiers rôles, vingt minutes où son physique de rapace charognard crève l'écran.

Un film humaniste aux multiples nuances.
Claire-Magenta
9
Écrit par

Créée

le 30 janv. 2013

Critique lue 1K fois

9 j'aime

Claire Magenta

Écrit par

Critique lue 1K fois

9

D'autres avis sur L'Épouvantail

L'Épouvantail
drélium
8

Les corbeaux se marrent

Très beau road movie d'amitié entre deux jeunes géants du cinéma que tout oppose pour mieux les réunir, sorte de variation optimiste de l'errance intime d'un Macadam Cowboy pris côté asphalte. Al...

le 4 nov. 2011

53 j'aime

5

L'Épouvantail
Kalian
8

Critique de L'Épouvantail par Kalian

Max et Lion, deux vagabonds, se rencontrent au bord d'une route. L'un, colérique, monomaniaque et tout juste sorti de prison, veut ouvrir une entreprise de lavage de voiture à Pittsburgh. L'autre,...

le 27 sept. 2010

31 j'aime

3

L'Épouvantail
limma
8

Critique de L'Épouvantail par limma

Après Panique à Needle Park sur les rêves perdus de la jeune génération et leur lente dérive, ce sera la rencontre de deux antagonistes réunis pour un même projet à défaut d'autre chose, et leur...

le 2 oct. 2020

27 j'aime

10

Du même critique

Low
Claire-Magenta
10

En direct de RCA

— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...

le 7 mai 2014

20 j'aime

8

Sextant
Claire-Magenta
9

Critique de Sextant par Claire Magenta

La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est...

le 28 juil. 2014

18 j'aime

Y aura t-il de la neige à Noël ?
Claire-Magenta
8

Critique de Y aura t-il de la neige à Noël ? par Claire Magenta

Prix Louis Delluc 1996, le premier film de Sandrine Veysset, Y'aura t'il de la neige à Noël ?, fit figure d'OFNI lors de sa sortie en décembre de la même année. Produit par Humbert Balsan, ce long...

le 19 déc. 2015

16 j'aime

1