Juliette Binoche est sans conteste l'une des plus grandes actrices du septième art français de ses trentes dernières années, au même titre que les légendes Catherine Deneuve, Isabelle Huppert ou encore Nathalie Baye.


L'une des plus grandes mais décemment aussi, l'une de ses plus globe-trotteuses et de ses plus célébrés dans les cérémonies de remises de prix (on ne compte plus, à l'instar de Meryl Streep avec les oscars, ses nominations aux Césars).


Alors que le César de la Meilleure Actrice justement, lui est passé sous le nez de manière un peu improbable cette année - pour Sils Maria -, la belle comédienne fraichement dans la cinquantaine, nous revient cette semaine dans les salles obscures (en attendant plus tard dans l'année avec l'alléchant The 33 de Patricia Riggen) avec L’Épreuve, nouveau long métrage de l'ancien grand reporter aujourd'hui cinéaste Erik Poppe, un drame sur la vie quotidienne d'une journaliste de guerre sorti depuis près de deux ans en Norvège, et encore inédit chez nous.


L’Épreuve ou l'histoire donc de Rebecca, une photographe de guerre renommée, qui suit les préparatifs d'un attentat suicide par des femmes terroristes à Kaboul, en Afghanistan.


Gravement blessée à la tête suite à cet attentat, elle se voit obligée de retourner chez elle en Irlande, auprès de sa famille composée de son mari Marcus, un scientifique norvégien, et de ses deux petites filles de 7 et 13 ans.


Le choc n’a pas ébranlé qu’elle : son mari, lui fait comprendre qu’il ne supporte plus l’angoisse à chacun de ses départs en reportage, dont il n’est jamais certain qu’elle revienne.


Il lui fait reprocher ses trop nombreuses absences tandis que sa fille ainée, Stéphanie, supporte de moins en moins les risques incombant à son métier.


Rebecca décide alors de renoncer à couvrir des zones de combat et de prendre du temps pour ses proches. Mais peut-on vraiment échapper à sa passion, si dangereuse qu’elle soit ?


C'est la question que pointe tout du long Poppe avec le merveilleux L’Épreuve, remarquable vision intime d'un métier aussi rude et dangereux qu'il est essentiel, s'inscrivant dans la droite lignée des Salvador et autre La Déchirure, même si il se détache de leur pesante aura en offrant un regard sur l'après, sur le retour à la vie normale de ses acteurs de l'information.


Poppe, grand reporter-photographe dans les années 80, connait pleinement son sujet et cela se voit tant les scènes " sur le terrain " sont méchamment impressionnantes, et son introduction marquante (l'attentat à Kaboul), s'avère même être l'une des plus crédibles, douloureuses et dérangeantes jamais vu sur grand écran dans un métrage du genre.


Pertinent (maline réflexion sur le pouvoir de l'image, souvent manipulée), percutant, troublant (le quotidien civil des journalistes est presque montré ici comme encombrant) et joliment sensible (même si il se laisse un peu trop aller dans le pathos de supermarché), le film vaut avant tout et surtout pour le véritable one woman show de l'inestimable Juliette Binoche.


Une nouvelle fois encore, elle livre une interprétation magistrale dans la peau de Rebecca, courageuse - voir à l'extrême - et d'une froideur clinique sur le terrain mais bien moins habile au sein de sa propre famille, aux liens qu'elle ne maitrise décemment pas aussi bien que son objectif.


Impliquée et impressionnante, elle porte clairement le film sur ses larges épaules, même si il ne faut pas minimiser la performance remarquable de Nikolaj Coster-Waldau, intense et tout en retenu dans la peau du mari/père responsable, un compagnon inquiet qui tente de pousser sa femme vers le chemin de la raison.


Mention également à Lauryn Canny, très juste dans la peau de la fille ainée de Rebecca et Marcus, Stéphanie.


Bouleversant, nécessaire et prenant, L’Épreuve, certes non-dénué de quelques défauts dommageables (quelques longueurs, un excès de pathos par-ci, par-là), n'en est pas moins un très beau et riche drame familial aussi sincère qu'intime, à la mise en scène appliquée et rythmée.


Un marquant et surprenant moment de cinéma, comme on aimerait en découvrir plus souvent.


Jonathan Chevrier

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le 12 mai 2015

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