Désormais totalement oublié, Mansaku Itami - le père de Juzo - fut pourtant un grand réformateur du chambara durant les années 20-30, d'abord comme scénariste puis comme réalisateur, cherchant à contourner et détourner les récits chevaleresques, héroïques ou glorifiant la violence.
Malheureusement les 2/3 de sa filmographies sont perdus et il ne reste plus que 5 films et quelques fragments. Et encore même L'espion Kakita Akanishi n'a survécu que par une copie unique légèrement incomplète.
Il y a de quoi s'en attrister à la découverte de ce dernier qui est une étonnante et originale comédie. Le héros est un samurai mal fagoté, mal rasé, malade une bonne partie du récit au point de ne pouvoir mener sa mission et maladroit avec les femmes. Il y a beaucoup de trouvailles de scénario et de montage pour désamorcer tous aspects spectaculaires avec principalement un art succulent de l'ellipse. C'est parfois tellement concis et rapide qu'il est facile de décrocher de l'histoire d'autant qu'elle fait références à des fais historiques bien connus des japonais, moins d'un occidental. Même en décrochant de temps en temps (d'autant que j'étais un peu trop fatigué en attaquant la séance), le plaisir est indéniable face à cet humour atypique : Kakita s'ouvrant lui-même le ventre pour remettre ses intestins en place (scène seulement racontée), le serviteur usé de faire les allers-retours d'une maison à l'autre, la déclaration d'amour épistolaire de Kankati envers la plus plus femme du château (dans le but de se faire éconduire et ainsi justifier son départ sans provoquer des suspicions) ou la délicieuse séquence finale digne des meilleurs spécialistes américains où un plan fixe présente une succession de fondu enchainé qui font disparaitre tour à tour des personnages de la pièce pour laisser le héros, seul face à la courtisane, répétant à chaque fois qu'il ne peut rester plus longtemps. C'est drôle, raffiné, plein d'esprit et diablement efficace. Et le film possède plusieurs moments de cette nature.
Plus curieusement, L’espion Kakita Akanishi possède aussi quelques ruptures de tons et de style à l'image de la seule scène d'action, très influencé par le Kabuki, qui semble sortir d'un autre film. Il n'en demeure pas moins qu'elle est brillamment mise en scène et dégage un sentiment assez viscéral.
J'ai l'impression que l'approche du cinéaste a vraiment eu une descendance sur de nombreux cinéastes, du Sanjuro de Kurosawa à L’épouse du château des Ôtori de Sadatsugu Matsuda. Sans oublier d'ouvrir la voie à Sadao Yamanaka.