À la recherche du courage de l'homme

L'étoffe des héros raconte une histoire écrite entre 1972 et 1979 par Tom Wolfe, retranscrite à l'écran par Philip Kaufman, et basée sur la double exploration du vol spatial et du mental des pilotes devenus astronautes. Dans "the right stuff", ceux que le public considère comme possédant "l'étoffe des héros" sont des hommes suffisament intéressants pour devenir comparables aux anciens chevaliers par leur rôle de sauveteurs du peuple. Restés dans l'ombre, jusqu'assez tardivement, les pilotes d'essai soulèvent la question du mental de jeunes hommes cherchant sans cesse à affirmer leur position parmi les leurs; au prix de choisir volontairement et avec passion de s'assoir dans une capsule hermétique et sans hublot, et, au nom de la défense de son pays en pleine guerre froide, accepter qu'on allume le feu sous des tonnes de carburant hautement explosif d'une fusée. Pourquoi font-ils donc cela? Quel est cet ingrédient qu'ont certains hommes? Pas facile à traduire, dans ce film et ce livre, il s'agit essentiellement de comprendre le courage (the right stuff), le dépassement de soi (pushing the envelope), monter et rester en haut de la hiérarchie des pilotes (staying on top of the pyramide), posséder le bon mental (donne moi un chewing gum avant de partir, "I'll pay you back later"), et prier dieu de ne pas merder (oh lord, don't let me fuck up (la prière de Shepard)). Ce film essaie aussi de montrer tout un tas d'absurdités politiques autour de l'héroisme monté en épingle par les élites et la presse, mais ce n'est pas la partie franchement intéressante de ce chef d'oeuvre.

L'archétype de celui qui grimpe tout en haut de la hierarchie secrète des pilotes (et donc en fait de l'humanité), à force d'abnégation, courage, ténacité, et prises de risques énormes mais partiellement calculés, c'est Chuck Yeager, joué par un incroyablement bon Sam Shepard. Le film débute sur sa performance initiale, passée inaperçue sauf dans le métier, de franchir le "mur du son". Evidemment ce mur n'existait que dans les têtes, mais ils ne le savaient pas. Il fallait posséder toutes ces formes spéciales de courage contenues dans l'expression du "right stuff", pour oser pousser les gaz à fond en s'approchant de mach 1, en 1947.

Ce film, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour exprimer mon besoin d'abnégation et d'humilité dans la vie, d'admiration pour ceux qui me précèdent, et de reconnaissance envers mes pairs, mes chers "éclaireurs" de SC, donc aussi de toi, lectrice ou lecteur. Car Tom Wolfe et Philip Kaufman admirent leurs sujets, vraiment. Et ce n'est pas du fake.

Ils sont courageux les êtres humains, ils font des enfants sans savoir ce qu'ils deviendront, ni s'ils seront à la hauteur d'un acte gigantesque qu'ils ne connaissent pas vraiment. Ils dépensent des fortunes d'énergie pour les faire grandir. Ils se battent contre plein d'ennemis, prennent plein de risques, sans arrêt. Les chercheurs, ingénieurs ou autres découvrent tout le temps des nouveaux trucs, pas en se tournant les pouces, mais en prenant des risques, en repoussant les limites. Mais les militaires, et d'autres professions dangereuses, eux, c'est leur vie, tous les jours, qu'ils risquent, et leurs femmes qui assument. Et les pilotes d'essai et plus tard astronautes, dans les années 40-60, c'étaient le summum de cette attitude. En plus, ils aimaient cela!

Aujourd'hui c'est le noir d'une année noire: j'ai perdu un repère et un modèle, découvert en 1983 dans ce film. RIP Chuck Yeager.