Spécialiste du film fantastique et de science-fiction, Jack Arnold compte plusieurs réussites du genre à son actif comme le Météore de la nuit, le Monstre des abîmes, Tarentula, et surtout un chef-d'oeuvre, L'Homme qui rétrécit tous réalisés dans les années 50, décennie très pourvoyeuse en films de ce type. L'Etrange créature du lac noir fait partie des films de monstres classiques, la créature en question étant un amphibien de forme humanoïde (mais issu de poisson) évoluant sous l'eau mais aussi sur terre ; c'était un nouveau monstre inventé par Universal qui était très fier de sa création qui renouvelait le cheptel des monstres des années 30 comme la momie ou la créature de Frankenstein... une sorte de rameau divergent de l'évolution, sorte de lointain cousin de King Kong, au moins dans les intentions, car il s'intéresse de près à la plastique de Julia Adams qui vient nager imprudemment dans son obscur lagon. Pourtant si on observe attentivement son anatomie et sa carapace, on s'aperçoit qu'il ne pourrait rien lui faire de grave, la pudibonderie américaine de l'époque veillant à ce genre de détail.
Interprétée par Ben Chapman, recouvert d'un coûteux costume de caoutchouc de 15 000 $ et d'un beau masque conçu par le maquilleur Bud Westmore, la créature évolue dans quelques scènes qui aujourd'hui n'ont qu'un effroi relatif, de même que le film présente une belle scène aquatique en contre-plongée où la belle et la bête si je puis dire, nagent de concert dans un déploiement de lumière et de bulles. Ces prises de vues furent réalisées en Floride par le plongeur-cascadeur Ricou Browning, spécialiste à Hollywood des vues sous-marines. Le film fut tourné en relief, mais présenté en "plat" lors de sa sortie en France ; ce n'est que lors d'une émission de la Dernière Séance sur FR3 qui reste dans les mémoires, que l'on put voir la version 3D à l'aide de lunettes obtenues chez les marchands de journaux : une grande première à la télé.
Le succès considérable du film en 1954 incita Universal à lui donner 2 suites où la créature était traquée, capturée, maltraitée, emprisonnée et soumise aux scalpels des chirurgiens, témoignant de l'acharnement malfaisant des humains envers tout ce qui est différent ; on sent aussi que Jack Arnold ne cache pas sa sympathie pour l'amphibien. C'est donc une série B très sympathique, au goût très kitsch, qui reflète les tendances et les obsessions de son époque.