Comme d'habitude, je vais scinder ma critique en plusieurs points: un sur le scénario, un sur l'animation, un sur la musique.
Donc, commençons par le scénario: c'est un des bon points que j'accorde au film. Le personnage central est donc Jack O'Lantern (alias Jack Skellington dans le film), l'esprit d'Halloween, plus connu dans les îles britanniques et aux USA qu'en Europe. Celui-ci, après tous ces siècles à faire peur tous les 31 octobre en compagnie des monstres d'Halloween, en a subitement assez et va explorer le monde de Noël. Emerveillé par ce qu'il y trouve, il passe tout de suite aux grands moyens: il enlève le Père Noël pour prendre sa place. Oh, Jack n'est pas (contrairement à ce que son apparence — un squelette longiligne — et ses attributions — seigneur d'Halloween — pourraient laisser penser) un méchant homme, et pense se contenter d'assigner le bonhomme en rouge à résidence le temps des fêtes; mais le Croquemitaine (auquel, là encore, les scénaristes attribuent un nom: Oogie Boogie) ne l'entend pas de cette oreille. Eternel concurrent de Jack O'Lantern, il n'entend pas laisser un "troisième monstre" entrer dans la danse, et le fait enlever par ses subordonnées, une bande d'affreux gamins. C'est donc à Jack de sauver son ex-victime… si tant est qu'il veuille bien comprendre son erreur et renoncer à ses projets de devenir le "Jack Noël". Sur le papier, voilà un excellent scénario, qui aurait pu (je dis bien aurait pu) aboutir à un excellent film. De fait, peu de choses peuvent être critiquées au script, les dialogues étant même assez réussis. Pour ce qui est des personnages, un seul peut être critiqué: le docteur Finkelstein, qui navigue inexplicablement entre bon et méchant, sans qu'il soit possible de trancher sur son alignement.
La musique ?… Probablement pas la meilleure qu'on ait entendue dans un film Disney, elle reste plaisante. Cinq chansons particulières restent dans les mémoires: "This is Halloween"/"C'est ça Halloween", la chanson chantée par Jack, les monstres et le Croquemitaine lors de la célébration d'Halloween, aux paroles perfectibles mais à la mélodie assez entraînante; "Jack's Lament"/"La complainte de Jack", chanson dans laquelle Jack O'Lantern exprime sa lassitude d'effrayer toujours, et sa volonté de trouver une autre occupation, elle à peu près irréprochable; "The Oogie Boogie Song"/"La Chanson d'Oogie Boogie", la chanson du méchant, occasion pour le Croquemitaine Oogie Boogie de démontrer sa confiance phénoménale en lui-même et sa passion des jeux de hasards, qui finira par le perdre à la fin du film; "What's this ?"/"Que vois-je ?", la chanson enthousiaste de Jack quand il visite pour la première fois l'atelier du Père Noël; et "What does it mean ?"/"Je veux comprendre", la chanson du pauvre Jack — décidément malmené par le scénario — qui même après sa découverte de Noël ne connait pas le repos, car alors qu'au fond de lui-même il adore cette fête, il n'arrive pas consciemment à comprendre pourquoi, tout simplement parce que le vieux fantôme n'a jamais entendu parler de l'idée de bonté. La seule chanson qui a l'air hors de propos est celle chantée par Sally, la romantique "monstrette de Frankenstein" éprise de liberté et de Jack O'Lantern, qui sonne comme une reprise légèrement modifiée de la Complainte de Jack, le compositeur n'ayant pas été très inspiré sur la mélodie.
À ce niveau de la critique, L'étrange Noël de M. Jack a encore l'air d'un film passable, voir bon. Mais nous voici arrivés à l'animation. Et vous allez rire: c'est le grand point négatif du film. Disney a depuis toujours démontré son savoir-faire en animation traditionnelle; si je n'aime pas beaucoup la CGI (ou animation en images de synthèses), j'admet que Disney est aussi un des meilleurs studios dans ce domaine; alors pourquoi aller chercher une troisième technique, la Stop-motion ? Si celle-ci peut présenter des avantages, elle est moins libre que l'animation à la main, puisque les marionnettes ont une certaine rigidité (il est donc très difficile de transgresser des lois physiques dont un animateur de 2D n'a pas à se soucier; ainsi, animer un personnage qui vole est pour ainsi dire aussi facile en 2D que d'animer un personnage qui marche, alors qu'en Stop-motion c'est un effet spécial compliqué). Donc, bof. Bof sans plus, remarquez: on a fait de belles choses en stop-motion, et ceci n'est techniquement pas du tout le pire qu'on ait vu. Non. Le problème, c'est le style graphique. Tim Burton, trop bien connu pour son goût du macabre, s'en est hélas donné à cœur joie sur les décors d'Halloweenville et les monstres, qui sont — hélas volontairement — LAIDS et dérangeants. Il fut un temps où Disney savait dessiner un personnage à l'air monstrueux sans qu'il soit dérangeant, tout de même ! Pensez à la forme dragonienne de Maléfique, par exemple, à l'hilarant Dragon Récalcitrant du film homonyme, aux fantômes loufoques des court-métrages Lonesome Ghosts et Trick or treat). Ceci dit, là, faire réaliser le film par les studios normaux de l'époque n'y auraient peut-être pas forcément changé grand-chose, vu leur surprenante habileté à créer quelques années plus tard dans Hercule des monstres au moins aussi repoussants que ceux du film. De plus, passe encore qu'il ait voulu rendre les monstres d'Halloween laids; à défaut d'apprécier, je comprends et je pardonne. Mais le Père Noël même prend un aspect presque monstrueux, son sympathique bedon étant étendu jusqu'à le faire paraître obèse au sens maladif du terme, et son visage ayant perdu beaucoup de son avenance.
Donc, 3 points pour l'histoire, 2 pour la musique. C'est tout: un zéro pointé pour l'animation. Le film se retrouve avec un 5/10. Je conseille aux adultes qui me lisent de ne le montrer en aucun cas à de jeunes enfants, mais de le regarder par curiosité si le cœur leur en dit. Ou s'il partage le goût du macabre (pouah) de M. Burton, ce que je déplorerais, mais admettrais.