Alice au Pays des Merveilles (qui ne devrait pas s'appeler comme ça, d'ailleurs -- il s'agit d'une suite au livre et non d'une adaptation de celui-ci) est un ratage des plus complets, et ce parce que Tim Burton n'a pas compris du tout ce qui faisait l'intérêt de l'œuvre de Lewis Carrol, et ce qui en faisait l'une des pires œuvres à adapter pour lui.
Pour commencer, il n'est un secret pour personne que M. Burton aime le macabre, le repoussant et le fantômatique. Ce sont des goûts que je suis loin de partager, mais enfin, il en faut pour tous (des goûts). L'animal ne se prive pas d'en injecter avec enthousiasme dans le film (telles que la rivière cadavérique de la Reine Rouge ou sa version du Jabberwock). Or, le livre de Carrol est une histoire plaisante et agréable, et ces éléments jurent avec l'image qu'on se fait du Pays des Merveilles.
Mais si ce n'était que ça. La base même du livre est le nonsense, l'absurde, la folie. Tous ces éléments sont absents du film, à l'exception de quelques dialogues plutôt bien faits ici et là, notamment dans la bouche du Chat de Chester. Le nonsense est mort et enterré: les changements de taille sont maintenant le résultat de magie compréhensible et codifiée, le Pays des Merveilles a maintenant une géographie et une histoire fixes -- et le film a une histoire. Oui, c'est bien ça, une histoire. Et un conflit. Et un message. Et une prophétie. Et se prend visiblement pour un film de fantasy. Sur quel ton doit-on répéter à ces aveugles patentés qu'Alice au Pays des Merveilles est une comédie ? Une comédie absurde, sans histoire ni but ?… Le peu de folie encore présent est de plus de la folie “médicale”, et non la folie bienheureuse et surréaliste des livres (le Chapelier Fou n'est ainsi fou que par crises car il s'est empoisonné avec du mercure…?!?). On me dira peut-être: mais non, tout ça est un choix artistique délibéré, pas une erreur de compréhension de l'œuvre-source. Eh bien, si, vous réponds-je. Tim Burton a déploré sans rire dans une interview qu'il pensait que le livre "manquait d'histoire" et était "trop absurde".
Les acteurs sont très inégaux: Alice est ainsi très convaincante, de même que les voix respectives du Chat de Chester et de la Chenille. Christopher Lee en Jabberwock est… une bonne surprise, mais on ne l'entend que pendant quelques secondes, ce qui gâche un peu l'intérêt d'avoir un si formidable acteur juste pour cette toute petite scène qui est à peine un cameo. La Reine Rouge est peu inspirée dans son interprétation. Le Chapelier Fou (Johnny Depp) et la Reine Blanche jouent tout deux la folie inquiétante Burtonnienne, qui est donc un ratage complet vu que ce n'est pas ce qu'on attend d'un Chapelier Fou et d'une Reine Blanche. Leur cabotinage m'est absolument insupportable.
Bon, maintenant que j'ai démonté 90 pourcents du film… vous vous demandez sûrement d'où viennent les 3 points que je lui accorde. Disons qu'un est pour ceux des acteurs qui sont bon. Les deux autres sont donnés aux effets spéciaux. Ils sont peut-être au service d'un script sans intérêt ni rapport avec ce qu'Alice au Pays des Merveilles devrait être, mais ils restent d'excellente facture, que je salue.
Ce n'est malheureusement probablement pas assez pour sauver ce film assez pitoyable, que je ne vous conseille pas.