Surgissent, dans le dépouillement des décors naturels, dans la simplicité de la reconstitution historique qui échappe à la tentation du kitsch, dans le jeu des acteurs pour la plupart amateurs, dans la restitution brute de la parole sacrée, une véracité et une aspérité en adéquation parfaite avec les Écritures. L'Évangile selon saint Matthieu constitue certainement l’adaptation cinématographique la plus réussie du texte biblique, en ce sens où elle renvoie une impression d'authenticité esthétique et liturgique ; nous assistons à la naissance d’un prophète et martyr qui apparaît dans toute sa complexité et son inhumanité : personnage froid, intransigeant et dogmatique, Jésus est à la fois homme et surhomme, il se distingue par sa démarche calme, sa chevelure soyeuse et séduisante, sa beauté sensuelle et délicate tel le Beau encore intact et vierge de toute corruption, et qui le restera jusqu’au bout. Les autres apôtres sont, eux, indifférenciés ; seul Judas bénéficie d’un traitement particulier, la caméra s’attarde sur lui, capte ses hésitations, sa résolution non comme l’expression d’un mal individuel et personnel mais comme l’accomplissement d’un destin supérieur, écrit par avance.
Pier Paolo Pasolini réussit à articuler la spontanéité du geste artistique avec la linéarité définie de la trajectoire biblique, offrant une œuvre aussi saisissante qu’insaisissable, rugueuse et verbeuse – par fidélité au Verbe –, essentielle. Une marche magnifique jusqu’à l’origine du christianisme.