Après le succès de L'Exorciste, la Warner penchera très vite sur le projet d'une suite. D'abord prévu pour être un simple rip-off du premier opus, le studio finit par se retrouver avec un scénario de William Goodhart. Si je n'ai jamais lu le premier script, je sais cependant que le Lieutenant Kinderman devait avoir un rôle important, mais le décès de l'acteur Lee J. Cobb, fut un des facteurs des premiers changements du scénario.
C'est John Boorman, qui sortait de l'échec du sous-estimé Zardoz, qui accepta la réalisation. Boorman avait refusé de réaliser L'Exorciste car il trouvait que le film mettait en avant un enfant se faisant torturer. Cependant le réalisateur de Délivrance vit dans le scénario de L'Hérétique un film parlant de la victoire du bien sur le mal, de mythologie et offrant des thématiques chères à Boorman.
Le casting voit revenir Linda Blair, Kitty Winn et Max von Sydow en tant qu'acteurs du premier film. Si Linda Blair était prévu depuis le début, Kitty Winn fut intégré bien plus tard ; la disparition de Lee J. Cobb supprimant Kinderman de l'intrigue, il fut décidé d'inclure Sharon en remplacement aussi bien du détective que de la mère de Regan. Quand à Max von Sydow il refusa un temps, n'aimant pas le premier film mais accepta quand John Boorman lui expliqua avoir les mêmes pensées que lui sur le film de William Friedkin.
Pour les nouveaux personnages, le choix du Père Lamont fut compliqué : Jon Voight fut pressentit, mais il était en désaccord avec certains points de l'intrigue. Finalement Boorman se tourna vers Christopher Walken et David Carradine, tandis que la production voulait lui imposer Richard Burton (David Geffen proposa quand à lui Jack Nicholson). Boorman ne voulait pas Burton, expliquant que l'idée d'avoir une star n'était pas une bonne idée, donné que le premier film n'avait pas de star dans son casting. Quoi qu'il en soit Richard Burton est choisit.
Le rôle du Docteur Tuskin sera moins long à trouver, mais pendant un temps le personnage devait être un homme. Quand il fut décidé d'en faire une femme, il fallut un certains temps avant que Louise Fletcher ne prenne le rôle.
Le film est majoritairement tourné en studio (excepté quelques scènes d'extérieurs à New York, par exemple). Les décors sont créés par Richard MacDonald qui offre ainsi des ambiances différentes à chaque lieux : le centre neuro-psychiatrique avec son style science-fiction, la cité de Jepti semblant tout droit sortit d'une vision surréaliste, sans oublier la reproduction de la maison des MacNeil à Georgetown).
La photographie est sans aucun doute le point fort de cette suite. William A. Fraker propose une photographie sublime à L'Hérétique et accompagne à merveille la réalisation de John Boorman. L'appartement de Regan, avec ses nombreux miroirs, montrant une réalité divisés et éclatés ; l'ambiance onirique du voyage du Père Lamont en Afrique...
Boorman demandera à Fraker de suivre un choix de couleur spécifique et d'écarter le bleu et le vert : le but étant de s'écarter le plus de la réalité, le bleu et le vert étant des couleurs rappelant le confort du réel.
La mise en scène est d'ailleurs sublime avec utilisation de la steadycam (le plan séquence du point de vu de Pazuzu vers la maison de Kokumo), idées de couloirs (les ruelles de Jepti vers la demeure de Kokumo, alvéoles du centre neuro-psychiatrique, couloirs de la maison,...). Boorman présente son film comme une métaphore du système nerveux dont le point de départ est le Synchroniseur, appareil d'hypnose qui lance le film.
L'onirisme du film est présent du début à la fin que ce soit à travers les séquences de rêves de Regan (dont la magnifique scène sur le toit), la cité d'or de Jepti sans oublier la scène où Lamont est face à Kokumo déguisé en sauterelle et lui demandant de traverser sur un champ de pics, pour prouver qu'il a la foi. Ce passage tant décrié par le public, préfigure le cinéma de David Lynch.
D'ailleurs L'Hérétique me rappelle parfois de nombreux réalisateurs tel que : Dario Argento (Phenomena pourrait s'en être inspiré notamment pour les passages avec les insectes), Peter Weir (dont Pique-nique à Hanging Rock en partage l'onirisme), Stanley Kubrick (les décors du centre neuro-psychiatrique aurait put figurer par exemple dans 2001 : L'Odyssée de l'Espace) et bien sur John Boorman lui même qui n'hésite pas à prolonger l'expérience de Zardoz. D'ailleurs en 1979, un film italien intitulé The Visitor semble reprendre l'ambiance onirique du film de Boorman.
La bande originale est signée Ennio Morricone qui offre une musique à la fois envoûtante et effrayante mélangeant ambiance tribal avec sonorités plus progressif. Il inclus d'ailleurs dans l'album une musique inédite au montage américain et DVD/bluray du film, Magic Ecstasy, qui me rappelle Il Giardino Delle delizie qu'il avait composé en 1967 et qui semble avoir une structure musicale similaire. D'ailleurs je suis persuadé que Keith Emerson a dut s'en inspirer pour Mater Tenebrarum le thème principal du film de Dario Argento Inferno. Ironiquement Morricone a travaillé pour Argento pour ses premiers films (jusqu'à l'arrivé du groupe Goblin).
Pour conclure L'Hérétique est une oeuvre étrange, une suite qui est l'exact opposé de son prédécesseur. Et pourtant c'est un film qui me fascine, un film qui n'est certes pas parfait à cause des nombreuses réécritures de son scénario et les problèmes de tournages (mais la perfection ça n'existe pas), mais qui est la vision totale d'un réalisateur qui avait, il faut dire, une totale liberté dans son film et un gros budget qu'il sut très bien utiliser. Les fans du premier film s'attendait à une oeuvre aussi terrifiante, mais ce n'est pas le but de L'Hérétique : John Boorman voulait avant tout en faire un thriller métaphysique et le fait que le film ne c'est appelé L'Exorciste II : L'Hérétique qu'au dernier moment, prouve que le réalisateur considérait son film comme un prolongement de L'Exorciste plutôt qu'une simple suite commercial qui aurait repris les moments forts du premier opus. Faire une suite en se mettant à l'encontre du spectateur est risqué, mais Boorman à évité de tomber dans ce piège de la redite, et pour moi, c'est une grande qualité.