De grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités

Sympa mais je m'attendais à mieux. Le problème de ces films entrés dans l'inconscient collectif, c'est que tout le monde l'a vu, y compris ceux qui ne l'ont pas vu. Ainsi, la scène des escaliers, je la connaissais, celle du vomi aussi, les scènes fortes qui ont aidé à définir tout un genre horrifique, celui de la possession. Mais cela implique aussi que je n'ai pas vu le même film. En effet, pour moi c'était un vrai film d'horreur puis les éléments retenus par la pop culture sont les aspects les plus traumatisant visuellement. Au lieu de ça, "The Exorcist" est un drame un peu fantastique, plus qu'un film d'horreur. D'ailleurs Friedkin a toujours dit en interview qu'il n'avait pas filmé "The exorcist" comme un film d'horreur, ce qui me paraissait absurde au vu de l'affiche et des quelques scènes cultes. Mais maintenant je comprends. Et je pense que même si ce film n'est pas aussi bon que "La nurse" (sisi) il reste un film mal copié. Parce que ce que les auteurs ont retenu de ce film, ce sont les scènes de possession, la scène d'exorcisme (mais en a-t-on vraiment une ici ? c'est tellement chaotique ce qu'il se passe dans cette chambre et vite expédié, que je n'ai pas l'impression que l'exorcisme ait eu lieu, juste le démon qui a pris le dessus), la maison qui sert de parc à sensation paranormal.

Pourtant, une des forces de ce film, c'est sa longue exposition : les phénomènes ne sont pas ouvertement démoniaques, on s'adresse d'ailleurs aux médecins psychiatriques. Les personnages sont bien étoffés, la mère a une vraie carrière, travaille, c'est concret. Alors qu'aujourd'hui, dans ces films, c'est toujours la même chose : une jeune artiste qui retape une maison rachetée, parfois elle est en deuil, parfois c'est juste que le mari travaille beaucoup. Ils ont un enfant un peu perturbé ou qui ne va pas tarder à l'être et ça s'arrête là. Ici, Friedkin construit une vraie famille monoparentale, introduit des personnages secondaires intéressants, leur donne une vie et construit un discours social. La possession apparaît plus tardivement et brièvement, comme la scène de l'escalier qui n'est vraiment qu'une scène d'escalier un peu décousue du reste (et il en va de même pour les autres séquences qui n'ont pourtant pas été rajoutées par la suite, comme celle du vomi ou du tourni à 360 degrés). Et donc l'exorcisme en soi ne commence que très tardivement et est vite expédié sans qu'on comprenne grand chose au rituel. C'est très chaotique, confus et l'on a cette sensation qu'au final, les gentils ont perdu, même s'ils ne le savent pas (la petite a l'air mieux). De quoi donner envie de voir les suites.

La mise en scène comporte de très beaux moments. Cette longue intro en Irak est assez joliment faite et dure très longtemps. Ça aussi c'est un truc auquel je ne m'attendais pas. Associer ce mal avec des découvertes dans un pays lointain, de quoi déjà remettre en question le principe du catholicisme. Le découpage fonctionne bien, l'on voit ce qu'il faut voir. Il est vrai que les scènes flippantes sont moins bien faites, on sent Friedkin moins à l'aise avec cet aspect, ou en tous cas en décalage complet avec le reste du film plus insidieux. Les acteurs délivrent de bonnes performances globalement. Les décors sont bien choisis. Le côté hospitalier est assez bien rendu. La BO passe bien ; d'ailleurs le thème principal est assez peu exploité, ça m'a surpris là aussi, alors qu'il est si populaire aujourd'hui.

Bref, ça se regarde mais l'intérêt du film se situe tout-à-fait ailleurs que dans les passages cultes qui serviront pourtant à définir les codes de tout un genre de cinéma. C'est comme si personne n'avait pris ce film pour ce qu'il est, que le monde l'avait mal compris, c'est très bizarre.