Au fil de ses rencontres, nous suivons l'évolution morale d'un chauffeur de taxi indépendant et pauvre, amer d'avoir été abandonné par son épouse. Membre de la caste des guerriers habité par une violence qu'un magouilleur ("si un homme d'affaires te jure d'être honnête, il ment!") voudra exploiter à son avantage, Narasing est un chevalier sans cause assisté par son palefrenier-mécanicien-pilote au bon sens populaire, meilleur conseiller que ses propres démons intérieurs. Avide de reconnaissance et d'ascension sociale dans une société hypocrite où malgré les castes, la richesse permet de s'acheter une respectabilité, mais où les minorités sont harcelées même par les plus déshérités, il devra trouver une voie difficile entre l'ambition sans merci, et l'aigreur envieuse du miséreux.
Satyajit Ray mettait en scène le microcosme de la vaste campagne indienne : l'opium, les notables corrompus, les pauvres mesquins, et ceux qui souffrent de leur malveillance - minorité religieuse, handicapé, prostituée (dont le récit des malheurs reste complètement valide aujourd'hui). Les tares qu'il a dénoncées dans la société rurale n'ont pas changé, l'étroitesse d'esprit liée à l'ignorance et à la misère toujours entretenues par un système violemment inégalitaire. Il serait temps qu'un successeur s'attaque aussi au monde urbain (je l'ai raté?). En attendant la nuit où le cinéma n'abordera plus ces sujets que pour évoquer un passé barbare.