Un sujet rare, celui du lien qui unit un homme de coulisse à un homme de scène, le maquilleur-habilleur et le chef de la compagnie. D'un côté Tom Courtenay tout en intériorité, en féminité, aux petits soins, essayant de gérer comme il peut toutes les situations délicates que la troupe de comédiens rencontre, et de l'autre côté Albert Finney, symbole de l'acteur shakespearien par excellence, exubérant, excessif, mais aussi en fin de piste sur le plan de la santé. Manifestement si Peter Yates n'avait pas eu recours à une mise en scène on ne peut plus théâtrale, "L'Habilleur" (aka The Dresser) aurait pu trouver chez moi un intérêt nettement supérieur.
Un autre élément contextuel englobe le tout, même s'il n'est pas vraiment déterminant : la troupe sillonne l'Angleterre en 1940, tandis que les bombes allemandes tombent sur la région. Mais cela ne représente quasiment rien en regard du caractère parfaitement tyrannique du chef, et on peut reconnaître à Finney un certain talent dans la composition de son personnage, très faible sous certains aspects (psychologiques entre autres) mais très imposant sous d'autres (il terrorise un peu toute la troupe qui n'ose pas vraiment broncher face à ses nombreuses colères). Là où le film trouve son intérêt, c'est dans la relation entre les deux hommes, qui se connaissent sans doute beaucoup plus que ce qu'ils voudraient bien avouer. La relation est très asymétrique puisque c'est l'habilleur qui connaît l'acteur dans toutes ses dispositions, ses faiblesses, ses goûts, et il agit comme un parent surprotecteur qui couverait un enfant — en l'occurrence une personne âgée qui commence à se faire trop vieille pour ses responsabilités. Sa performance en tant que King Lear subit de plein fouet la détérioration de sa santé, physique et mentale, loin du ton comique de la scène où il fait arrêter un train alors qu'ils sont en retard d'un tonitruant "Stop the train!".
Une fois que le déclin des capacités mentales du personnage est acté (Peter Yates nous laisse le découvrir progressivement), c'est la relation d'interdépendance entre les deux qui devient motrice : même si un rapport hiérarchique s'est imposé entre eux, la carrière de l'un n'aurait pas de sens sans l'autre et inversement. Alors forcément, lorsque l'habilleur découvre dans une préface de remerciements qu'il n'y a pas un mot à son encontre, la relation intime entre les deux en prend un coup. Et les troubles dissociatifs de l'identité ne pourront pas excuser grand-chose.